Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 129

Le mardi 20 avril 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 20 avril 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

M. Wayne Gretzky, O.C.

Hommages à l'occasion de sa retraite de la Ligue nationale de hockey

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'un des grands coureurs de tous les temps, Bruce Kidd, a dit un jour que la patinoire était le symbole des vastes étendues d'eau et de territoires sauvages que l'on retrouve au Canada ainsi que des contrastes extrêmes de son climat, ajoutant que le joueur était un symbole de notre combat pour tenter de civiliser une telle terre. Il a dit du hockey que c'était la «grande métaphore canadienne».

Pour la plupart des Canadiens, le son du premier lancer frappé, de la première rondelle qui frappe la bande, constitue depuis toujours le premier choc d'électricité psychique qui unit les coeurs et les esprits dans ce pays.

Au-dessus de Time Square, au centre-ville de Manhattan, se trouve un gigantesque modèle d'un héros mince et pâle qui sourit de manière espiègle, un héros de Brantford, en Ontario,: un prince qui trône au-dessus de cette ville-lumière frénétique, une ville de rêve, une ville qui ne dort jamais.

Lorsque Wayne Gretzky a tiré sa révérence et qu'il s'est incliné pour la dernière fois à Broadway, le rideau est tombé et les fans dans le Madison Square Gardens ont pleuré. Même pour les Américains qui ne prêtent pas beaucoup d'attention à ce grand sport qu'est le hockey, la vue du prince de Times Square avait un sens transcendant, un peu magique, ce petit quelque chose qui s'infiltre de façon insidieuse dans les coeurs et les esprits.

Gretzky était tout simplement et singulièrement bon. Il était singulièrement bon sur la glace, mais il est également singulièrement bon dans la vie de tous les jours. Quelqu'un a même dit qu'il était encore meilleur comme personne humaine que comme joueur. Petit et mince, il était un artiste oeuvrant dans un sport rapide et parfois violent. Il était cérébral et plein d'imagination, le Picasso du jeu de puissance et le Stravinsky du désavantage numérique, comme un commentateur l'a si bien dit.

Au fil des années, il est devenu le plus grand marqueur de la Ligue nationale grâce à la créativité sans égale dont il faisait preuve dans son utilisation de la glace, au-dessus de laquelle il donnait l'impression de planer en sachant à chaque instant où se trouvait la rondelle et en prévoyant intuitivement où chaque joueur se trouverait pendant les quelques secondes suivantes.

La patinoire était son jeu d'échecs personnel, et la partie de la glace qui se trouve derrière le but adverse, son bureau. Il a dominé la patinoire pendant 21 ans avec une grâce et une élégance effacées, et toujours avec grande classe. Il aura été le fabriquant de jeu le plus brillant de tous les temps.

Tous ceux d'entre nous qui aiment le jeu de hockey ont compris l'importance de la première mise en jeu de la partie de jeudi soir dernier, au Centre Corel d'Ottawa, une mise en jeu à forte charge émotive, et la chance historique que les admirateurs canadiens ont eue de lui dire adieu, ce qu'ils ont fait avec amour et ferveur par des clameurs à faire trembler l'édifice.

En regardant Wayne Gretzky et Alexei Yashin s'éloigner du centre de la patinoire, beaucoup d'entre nous ont pensé au jeune Yashin, qui idolâtrait le grand Gretzky de loin lorsqu'il était adolescent et qui, comme tous les enthousiastes du hockey du pays, n'a jamais raté une chance de voir le génie canadien sur ses patins, le grand Gretzky, qui captivait leur imagination et qui s'était donné la peine, comme Yashin l'a raconté un jour, de participer à un camp d'entraînement donné par Vladislav Tretiak, Gretzky, un homme modeste et altruiste qui, même s'il était une étoile, «était prêt à apprendre le hockey de quiconque pouvait le lui enseigner tellement il adorait le jeu», pour citer Yashin.

Wayne Gretzky a été et demeure le plus grand ambassadeur du sport de tous les temps. Le hockey a un autre éminent ambassadeur de calibre trois étoiles en la personne de notre collègue, le sénateur Frank Mahovlich.

Wayne Gretzky a eu une influence cruciale sur l'expansion de la Ligue nationale de hockey aux États-Unis. Il a fait adopter un sport essentiellement canadien jusque dans la ceinture de soleil, dans des villes où il ne neige jamais, d'Anaheim à Dallas, sans oublier Miami et Tampa Bay. C'est grâce à l'énergie et à la détermination de cet émissaire passionné que le hockey a gagné des adeptes et a pris de l'expansion.

Alors que nous regardions les derniers moments chargés d'émotion au Madison Square Gardens, ponctués par le roulement des bâtons de hockey sur la glace, nous assistions à un rituel traditionnel: les joueurs rendaient hommage à un missionnaire par excellence, à une légende du hockey, à un modèle, à un héros du sport qui n'a jamais perdu de vue qui il est quand il n'est pas sur la glace. Il est et a toujours été accessible, généreux, juste, loyal. Il a toujours fait preuve de la même classe, qu'il soit gagnant ou perdant. Il ne cache pas que son père est son meilleur ami.

L'éminent commentateur canadien, mon vieil ami le regretté Danny Gallivan, avait un jour révélé que l'amour et le respect de Gretzky pour son père et sa mère étaient beaucoup plus importants pour lui que tous les buts qu'il a marqués.

Un grand merci à cet être affable et courtois, à ce Canadien qui s'est distingué tant avec que sans ses patins, qui adore tous les aspects du hockey, sport qui était et qui demeure un facteur d'unification dans une société libre et empreinte de compassion, pays très spécial dont le plus fier émissaire à l'étranger est un jeune garçon de Brantford, en Ontario, destiné à demeurer à tout jamais le Grand Gretzky.

L'honorable Francis William Mahovlich: Honorables sénateurs, ma carrière a pris fin en 1978, alors que débutait celle de Wayne Gretzky. On peut cependant établir de nombreux parallèles entre nos carrières. Il y a quelques années, j'avais été invité à un match des étoiles à Pittsburgh. Dans le foyer de l'hôtel, je suis tombé sur le père de Wayne, Walter. Il m'a dit: «Frank, venez ici, je veux vous raconter une histoire». Il m'a dit que quand Wayne avait huit ans, le samedi soir, ils regardaient La soirée du hockey à la télévision avec la grand-mère de Wayne. Elle lui avait conseillé de regarder Frank Mahovlich jouer.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Mahovlich: Mais Wayne lui a répondu: «Non, je pense que je vais regarder Gordie Howe.» J'ai alors demandé à Walter: «Qui en sait plus, une vieille dame de 85 ans ou un petit garçon de huit ans?»

En 1978, honorables sénateurs, j'ai enfourché mon cheval et je me suis éloigné vers le soleil couchant. L'autre jour, le 18 avril 1999, Wayne est monté dans sa Mercedes noire et s'en est allé.

Je me suis retrouvé avec une vis dans le genou. Chaque fois que je passe le contrôle de sécurité dans un aéroport, je déclenche l'alarme. L'agent de sécurité arrive avec son petit appareil en forme de baguette qu'il passe le long de mes jambes, déclenchant la sonnerie de l'appareil. Le garde ne comprend pas ce qui se passe. À ce jour, cette vis me rappelle ma carrière de hockeyeur.

Honorables sénateurs, je tiens à féliciter les Rangers de New York pour le formidable hommage qu'ils ont rendu à un grand athlète. Un des plus beaux compliments que l'on puisse faire à un athlète a été formulé il y a quelques années, plus précisément en 1990. Un certain Rick Barry jouait au basket-ball pour les Warriors de San Francisco. Cette équipe a remporté le championnat de la NBA à quelques reprises. M. Barry est aujourd'hui au Temple de la renommée du basket-ball. J'étais à Palm Springs quand M. Barry et moi avons parlé de sport. Il a alors eu ce mot: «Nous avons ici un gars, Michael Jordan, qui sera le futur Wayne Gretzky.» J'ai pensé: quel compliment pour ces deux êtres humains!

Quand on songe aux sports dans les années 80, on songe à Wayne Gretzky, et dans les années 90 à Michael Jordan. J'ai pensé que c'était un des plus beaux compliments jamais faits à Wayne Gretzky et à Michael Jordan. Ils le méritent bien tous les deux.

La justice

Les lacunes du système

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, lors de la conférence législative de l'Association canadienne des policiers qui a eu lieu à Ottawa il y a quelques semaines, j'ai rencontré quatre représentants de l'association qui relevaient du service de la région de York. Ils m'ont décrit un aspect du Canada qui, à mes yeux, n'existait pas, ou à tout le moins n'existait pas sur une telle échelle.

On m'a dit qu'il existe une partie du quartier de North York, dans le nord de la plus grande ville du Canada, que les gangs organisés considèrent comme chez eux. On m'a parlé d'un commerce de la drogue qui s'étend d'un bout à l'autre du Canada, d'Est en Ouest, un commerce stimulé par un système de justice pénale qui continue de distribuer des peines assez légères, dans ce domaine, pour être considérées comme une autorisation à commettre ce type de délit. Au Canada, nos peines légères, les délais courts avant les procès et les généreux régimes de cautionnement et de libération conditionnelle sont considérés comme autant d'avantages pour les criminels voulant poursuivre leurs activités au Canada.

En outre, le gouvernement fédéral a supprimé la police des ports. Je ne sais trop comment il a pu le faire sans que ce soit l'objet d'un débat complet au Sénat ou à l'autre endroit, mais il l'a fait. Sans police des ports, les longues côtes du Canada et leurs nombreux ports, petits et grands, des deux côtés du continent, sont sujets à cette contrebande de drogues illégales. La police des ports connaissait bien les ports sous sa garde et savait quoi surveiller quand il s'agissait de détecter la présence de substances illégales. La police doit maintenant lutter contre la criminalité avec les mains liées.

Que faut-il faire? Il faut examiner la question du financement. Il faut savoir où l'on dépense l'argent consacré à la protection des Canadiens. Le dépense-t-on pour constituer un registre des armes à feu, dont nous avons dénoncé l'inefficacité il y a quatre ans? Allan Rock nous a dit qu'il coûterait 80 millions de dollars, et nous constatons maintenant qu'il coûtera plus de 300 millions.

Honorables sénateurs, l'argent doit servir à poster plus de policiers dans les rues, et non derrière des bureaux. Un détachement de Colombie-Britannique nous apprenait dernièrement que la GRC ne pouvait plus remplir son mandat en raison d'un financement insuffisant, et que le Canada perd beaucoup d'agents expérimentés pour cette raison.

Nous devons revoir notre régime de libération conditionnelle ainsi que nos critères de détermination de la peine, surtout quand il est question d'infractions impliquant des drogues.

Nous devons en outre assurer la protection des agents de police dans l'exercice de leurs fonctions. On m'a cité plusieurs cas où des agents de police avaient été impliqués dans une poursuite. Le refus de s'arrêter sur l'ordre d'un agent de police devrait être une infraction. Trop de Canadiens, dont des agents de police, sont blessés ou tués au cours de telles fuites.

Enfin, je reviens sur la question de la police des ports. Le Canada est devenu une plaque tournante de l'importation de drogues illégales en Amérique du Nord. Le gouvernement pourrait-il revoir sa position sur la question et reconstituer cette partie essentielle de notre système de sécurité? Certes, le gouvernement doit protéger nos frontières contre les éléments criminels. L'argent que le gouvernement pense économiser grâce à ses compressions budgétaires sera dépensé au bout du compte pour s'attaquer aux problèmes auxquels font face nos organismes d'exécution de la loi.

Les droits de la personne

La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais maintenant faire une déclaration officielle concernant la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Même si la question a déjà été traitée au Sénat, je n'ai pas eu le temps de faire cette déclaration, de sorte que je voudrais la faire maintenant.

J'attire votre attention sur l'article 5 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, selon lequel les États signataires s'engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et à garantir le droit à la justice, à la sécurité, à la liberté politique et aux droits fondamentaux. Le Canada a réalisé des progrès importants en vue d'éliminer la discrimination à ces égards. Notre pays s'est doté d'une Constitution qui garantit les droits fondamentaux tels que l'égalité devant la loi, la mobilité, les prérogatives autochtones traditionnelles et les droits linguistiques des minorités. Aux niveaux fédéral, provincial et territorial, nous avons des lois sur les droits de la personne qui ont pour objet de nous protéger contre la discrimination dans l'emploi et la prestation de services.

Pourtant, malgré tout ce que nous avons accompli, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire avant d'arriver à vraiment éliminer la discrimination en ce qui concerne les droits fondamentaux. Il est encourageant de voir que certains secteurs du gouvernement semblent reconnaître cette réalité et être prêts à agir. Nous sommes heureux de noter, par exemple, que le ministère fédéral de la Justice a fait valoir à la Cour suprême que le racisme était un problème au Canada et que les tribunaux devraient donc prendre en considération les possibles effets du «racisme institutionnel». D'autres initiatives ont été prises, dont la mise en place d'un programme de sensibilisation aux autres races et aux autres cultures à l'intention des procureurs, la mise en place d'un programme visant à faciliter l'accès au système de justice aux personnes qui ne savent pas lire l'anglais ou le français; la préparation dans toute une série de langues, dont des dizaines de langues parlées par les autochtones; la distribution aux minorités, aux immigrants et aux groupes ethnoculturels de documents d'information sur papier et sur cassettes; l'idée de financer en 1998-1999 des projets d'éducation et d'information juridiques afin de répondre aux besoins des communautés ethnoculturelles minoritaires; et la modification, entrée en vigueur le 30 juin 1998, de la Loi canadienne sur les droits de la personne afin de renforcer la protection contre la propagande haineuse et d'autoriser le Tribunal canadien des droits de la personne à ordonner une indemnisation spéciale pour les victimes nommées dans la propagande haineuse, ainsi que des sanctions contre les auteurs de propagande haineuse.

La dernière mesure accroît clairement la sécurité des personnes face à la violence fondée sur la race ou l'origine ethnique aux termes de l'article 5. Elle est également liée aux initiatives sur les crimes haineux signalées par d'autres sénateurs.

En dépit de ces initiatives positives, je dois réitérer ce que j'ai dit au début: tous les Canadiens ne jouissent pas encore de droits juridiques, politiques et sociaux égaux. Cela a été confirmé par une récente étude de cinq ans menée par l'Association du Barreau canadien, qui a constaté que dans la profession du droit, le racisme règne à tous les niveaux, de la conception d'un test d'admission pour une école de droit à la nomination des juges. L'étude affirme que les minorités sont exclues, de façon ouverte ou plus subtile.

Il reste donc beaucoup à faire au ministère de la Justice et aux autres organismes fédéraux pour corriger les injustices de ce type. Je les félicite pour les efforts qu'ils ont faits jusqu'à ce jour et je les encourage à poursuivre leur lutte contre le racisme et la discrimination.

[Français]

L'éducation postsecondaire

La Fondation des bourses du millénaire

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, encore une fois, je voudrais brièvement sensibiliser les membres de cette Chambre au problème des étudiants universitaires du Québec relativement aux bourses du millénaire. Tout le monde se rappelle que cette intervention du gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation était totalement inappropriée.

Par ailleurs, le Parti libéral du Québec, par la voix de son porte-parole et critique en matière d'éducation, le député de Verdun, M. Gautrin, a fait adopter une résolution par l'Assemblée nationale du Québec qui propose une voie de solution extrêmement prometteuse sur le fond du litige, tant pour les étudiants que pour les deux gouvernements.

Cette initiative du gouvernement, en particulier du Très honorable premier ministre, M. Chrétien, dans le domaine de l'éducation n'a certainement pas aidé la cause du fédéralisme au Québec. On doit défendre cette cause tous les jours. On doit éviter autant que possible d'alimenter constamment par des mesures de cette nature le discours souverainiste au Québec.

Encore ce matin, la Fédération des étudiants universitaires nous l'a rappelé. Il ne faudrait quand même pas que le ridicule tue l'option fédéraliste au Québec ou y nuise. Le ministre du Développement des ressources humaines, M. Pettigrew, se dit d'accord avec la résolution adoptée par l'Assemblée nationale, tant par le Parti québécois que par le Parti libéral. Cela constitue actuellement un blocage sur une question politique très délicate qui a, encore une fois, des incidences sur le débat plus large de l'avenir constitutionnel du Québec. Le différend porte sur le fait que le ministre fédéral refuse de parler au ministre québécois de l'Éducation, renvoyant ce dernier au président de la Fondation des bourses du millénaire. Il semble que ce soit l'essentiel du litige sur cette question.

Je voudrais simplement rappeler à cette Chambre que l'argument du ministre fédéral m'apparaît assez spécieux. Pour une raison qui m'échappe, des ministres fédéraux refuseraient de parler à des ministres provinciaux parce qu'un organisme s'occupe d'un tel domaine. Est-ce que, à cause de l'existence du Conseil des arts, les ministres provinciaux de la Culture ne peuvent pas parler au ministre du Patrimoine canadien? Est-ce que les ministres de l'Agriculture provinciaux ne peuvent pas parler au ministre fédéral de l'Agriculture parce qu'il y a des offices de mise en marché et de crédit agricole?

Je demanderais simplement à ceux qui sont près du ministre fédéral de lui rappeler - il me semble que cela ne serait pas une capitulation très grave - de prendre le téléphone et de parler au ministre québécois de l'Éducation mandaté par l'Assemblée nationale du Québec, tant par les souverainistes que par les fédéralistes, afin de régler la question au fond.

La résolution de l'Assemblée nationale propose une voie de solution de ce conflit. Ce serait non seulement dans l'intérêt des deux gouvernements, mais également dans celui des étudiants québécois. Malheureusement, l'attitude du ministre fédéral m'apparaît totalement ridicule. Au nom des étudiants du Québec et de l'ensemble des milieux de l'éducation du Québec, je lui demanderais de marcher un petit peu sur l'orgueil fédéral et d'essayer de trouver une solution extrêmement rapide parce que les étudiants québécois, pas plus que les étudiants des autres régions du Canada, ne peuvent se priver de l'argent qui est à leur disposition.


[Traduction]

(1430)

AFFAIRES COURANTES

Projet de loi d'intérêt privé

L'Association des comptables généraux agréés du Canada-Rapport du comité

L'honorable Michael Kirby, président du comité permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant:

Le mardi 20 avril 1999

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

VINGT-DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi S-25, Loi concernant l'Association des comptables généraux accrédités du Canada, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 23 mars 1999, étudié ledit projet de loi et en a fait maintenant rapport avec les amendements suivants:
Pages 2 et 3, l'article 4:
a) à la page 2, substituer les lignes 15 à 18 par ce qui suit:
«mouvoir les intérêts communs aux comptables généraux accrédités, leur profession et l'exercice de celle-ci»;
b) à la page 3,
(i) substituer les lignes 9 à 11 par ce qui suit:
«g) encourager et aider les comptables généraux accrédités à»,
(ii) substituer les lignes 19 à 21 par ce qui suit:
«accrédités ou la société en général et faire tout ce qui vise à favoriser une appréciation plus juste et plus générale de la profession comptable par le public;».

Respectueusement soumis,

Le président,
MICHAEL KIRBY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand examinerons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Kirby, l'étude du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 21 avril 1999, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable A. Raynell Andreychuk présente le projet de loi S-28, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (heures de scrutin en Saskatchewan).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 22 avril 1999).

Les jeunes et le tabagisme

Avis d'interpellation

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 22 avril 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur le problème du tabagisme chez les jeunes.

Le Conseil national du bien-être

Le rapport sur les enfants du préscolaire-Avis d'interpellation

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, je donne avis que, jeudi prochain, j'attirerai l'attention du Sénat sur un rapport du Conseil national du bien-être intitulé: «Les enfants du préscolaire: des promesses à tenir».

La Loi sur la statistique

La divulgation des renseignements sur le recensement-Présentation d'une pétition

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par plusieurs Canadiens de Grande Prairie, en Alberta. La pétition se lit comme suit:

Nous, soussignés, électeurs dûment inscrits au Canada, demandons au gouvernement du Canada de modifier rétroactivement la Loi sur la statistique, ce qui assurerait l'accès du public aux cahiers du recensement de 1911, et à tous les autres cahiers ultérieurs, par l'entremise des Archives nationales du Canada, après le délai d'attente accepté de 92 ans.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les pêches et les océans

L'aquaculture-La levée de l'interdiction frappant les espèces exotiques de poisson-L'incidence sur la conservation-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat.

Le ministre sait-il que le ministre fédéral des Pêches et des Océans a approuvé la levée de l'interdiction sur l'utilisation d'espèces de poisson exotiques et fertiles à des centres d'aquaculture de la côte Est du Canada? Le gouvernement a-t-il tenu compte de l'incidence environnementale que cela peut avoir sur les stocks de saumon de l'Atlantique et de ce que cela peut faire à leurs dernières montaisons viables dans la région canadienne de l'Atlantique?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis au courant de la levée de l'interdiction et je suis persuadé qu'on a tenu compte de cette question. Toutefois, je porterai les préoccupations du sénateur directement à l'attention de l'honorable David Anderson, ministre des Pêches et des Océans.

Le sénateur Comeau: Le gouvernement ne cesse de dire que la conservation des stocks de poisson est le fondement de sa politique en matière de pêches et, pourtant, en levant l'interdiction, il viole le Traité pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord et, partant, tous ses engagements de suivre les règles de conservation.

Je voudrais que le leader du gouvernement au Sénat transmette le message au ministre des Pêches et l'exhorte à renoncer à cette démarche s'il veut demeurer un modèle international en ce qui a trait aux mesures de conservation.

Le sénateur Graham: Le sénateur Comeau soulève un point important. En fait, en tant que président du comité sénatorial permanent des pêches, il pourrait fort bien tenir une discussion là-dessus à son comité. Entre-temps, toutefois, je porterai ses préoccupations à l'attention du ministre des Pêches et des Océans.

Les affaires étrangères

L'Organisation mondiale du commerce-L'appui accordé à la demande d'adhésion de la Chine-La position du gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au leader du gouvernement au Sénat à propos de l'Organisation mondiale du commerce et de l'intéressante visite que nous a faite récemment le premier ministre de la Chine.

Selon certains articles de presse, le Canada s'engagerait formellement à appuyer la demande d'adhésion de la Chine à l'OMC. Selon d'autres, il ne s'agissait pas d'une entente formelle, mais d'une entente de principe.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire quelle est la véritable position du Canada à l'égard de la demande d'adhésion de la Chine à l'OMC?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le premier ministre de la Chine et le premier ministre du Canada ont effectivement discuté de l'OMC. Cependant, aucune entente formelle n'a été annoncée. Je n'ai pas été mis au courant des discussions, mais j'essaierai de vous fournir une réponse plus complète.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Quel était le motif de ces discussions? Pourquoi le Canada participerait-il à de telles discussions au sujet d'un pays, que ce soit la Chine ou un autre, et pourquoi ferait-il davantage que reconnaître, en principe, que l'OMC devrait compter autant de pays membres que possible?

Est-ce que nous nous engageons à appuyer la demande de la Chine et les négociations et, partant, à devenir garants des actions de ce pays?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne sais pas à quel point les discussions étaient formelles. Notre hôte chinois et le premier ministre du Canada ont soulevé bien des questions; cependant, s'il est possible de vous fournir de plus amples informations à ce sujet, je le ferai volontiers.

L'Organisation mondiale du commerce-L'appui accordé à la demande d'adhésion de la Chine-L'effet sur le dossier des droits de la personne

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, à titre de question complémentaire additionnelle, j'aimerais savoir si les premiers ministres ont discuté du dossier des droits de la personne, et surtout des questions qui pourraient influer sur l'entrée de la Chine dans l'OMC.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais pas si le premier ministre, lors des discussions avec le premier ministre de Chine, avait parlé de conditions liées au respect des droits de la personne pour l'adhésion de la Chine à l'OMC. Plus précisément, je sais que le premier ministre du Canada a exprimé des inquiétudes ou discuté des droits de la personne en général et des politiques de la Chine concernant ces droits.

Les discussions se poursuivent, bien entendu. Nous avons créé le comité mixte sur les droits de la personne et je crois qu'il s'est déjà réuni à plusieurs reprises. Ce comité se rencontrera à nouveau en Chine à l'automne. Nous avons aussi mis sur pied un symposium multilatéral regroupant plus de dix pays, lequel se réunira pour la deuxième fois en Chine en juillet prochain.

Les nations unies

Les forces de l'OTAN en ex-Yougoslavie-La déclaration de l'Association canadienne pour les Nations Unies sur une initiative possible-La position du gouvernement

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au leader du gouvernement au Sénat.

Concernant la publication de la lettre adressée le 16 avril 1999 au premier ministre du Canada par l'Association canadienne pour les Nations Unies, le leader conviendra, j'en suis persuadé, que cette association est l'un des organismes les plus prestigieux au Canada. La lettre était signée par Geoffrey Pearson, son vice-président national.

Dans cette lettre, l'association fait remarquer que l'envoi par le Canada d'avions de guerre au Kosovo va à l'encontre des politiques suivies par tous les gouvernements canadiens depuis la fondation des Nations Unies et que les membres des Nations Unies sont révoltés par les actions du gouvernement Milosevic. Elle propose aussi, en tenant compte de toutes les circonstances entourant cette situation tragique, que le gouvernement exhorte tout d'abord l'OTAN à envisager une interruption temporaire des bombardements et recommande ensuite un processus de négociation centré autour des Nations Unies et dirigé par le secrétaire général des Nations Unies pour essayer d'assurer la protection par les Nations Unies des réfugiés, des individus, de la collectivité et des droits religieux au Kosovo, ainsi que d'obtenir la fin permanente des bombardements qui ont lieu au Kosovo et dans les États voisins.

Quelle est la réponse du gouvernement canadien à cette importante déclaration?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, malheureusement, même si je suis au courant de l'envoi de cette lettre, je n'en ai pas pris connaissance. Je l'examinerai sitôt que le Sénat ajournera ses travaux aujourd'hui. Chose certaine, le fait qu'elle soit signée par un ancien diplomate éminent comme Geoffrey Pearson ajoute beaucoup de poids aux instances présentées. Je crois que le sénateur Roche est un ancien président de cette organisation.

En ce qui concerne une initiative centrée autour de l'ONU, nous savons tous que le secrétaire général des Nations Unies a rendu publique sa propre proposition relativement aux bombardements. Il est également en train de nommer un envoyé spécial dans cette région du monde.

En ce qui concerne un groupe parrainé par les Nations Unies et chargé d'assurer la protection des réfugiés, cette question est à l'étude et des contacts continus sont maintenus avec des pays comme la Russie sur cette question. Nous espérons que dans une telle éventualité, la Russie jouerait un rôle très important.

L'organisation du traité de l'atlantique nord

Le prochain sommet-Les déclarations du gouvernement concernant sa politique nucléaire-Demande de dépôt

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, le gouvernement a fait connaître hier sa politique officielle sur les armes nucléaires. Il s'agit d'un document de 27 pages accompagné de sept autres documents. L'élément central de cette politique est qu'il faut demander à l'OTAN de revoir la politique nucléaire de l'Alliance et sa relation avec l'évolution des dossiers de la prolifération, du contrôle des armes et du désarmement, ce qui est une position semblable à la motion que le Sénat a adressée au gouvernement.

Le leader du gouvernement au Sénat mettra-t-il à la disposition du Sénat dans les meilleurs délais les énoncés que le Canada présentera à ce sujet à la réunion au sommet de l'OTAN qui débutera à la fin de la semaine?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si cette information est disponible, je le ferai volontiers. La réunion au sommet de cette semaine sera pour l'Alliance une occasion idéale de s'entendre pour examiner sa politique nucléaire dans le contexte du renouvellement de la stratégie de l'OTAN.

Soit dit en passant, le comité permanent de l'autre endroit n'a pas recommandé dans son rapport que nous préconisions pour l'OTAN une politique de non-recours en premier à l'arme nucléaire. Ces garanties ne peuvent être offertes que par les pays nucléarisés ou l'OTAN dans son ensemble. Cela n'est pas envisagé pour l'instant.

Permettez-moi de donner à tous les honorables sénateurs l'assurance que les priorités du Canada sont de promouvoir l'adhésion de tous les États au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, au désarmement nucléaire et à l'élimination de toutes les armes nucléaires.

Les affaires étrangères

Les forces de l'OTAN en ex-Yougoslavie-Le soutien à l'Armée de libération du Kosovo-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, deux de ses collègues ont dit que l'Armée de libération du Kosovo était en partie responsable du problème au Kosovo, en Yougoslavie. Le gouvernement du Canada est-il d'avis que l'UCK constitue un problème et que l'OTAN ne devrait pas coopérer avec elle ni l'aider? Le cas échéant, le ministre pourrait-il expliquer ce qui préoccupe le Canada?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la plupart de ceux qui suivent ce dossier s'inquiètent du rôle que joue l'UCK dans cette crise. À ma connaissance, le gouvernement du Canada n'a jamais dit que l'UCK constitue un problème ni pris position officiellement à son sujet.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, on constatera qu'il l'a fait si l'on examine certains documents. C'est bien beau de ne pas prendre position officiellement, mais lorsque les ministres prennent la parole, les Canadiens sont en droit de penser qu'ils expriment la position du gouvernement du Canada.

Deux articles du Electronic Telegraph et un tiré du Jane's Defence Weekly traitent de l'appui des forces spéciales de l'OTAN à l'UCK et à la campagne terrestre au Kosovo.

Si l'UCK fait partie du problème au Kosovo et que l'OTAN aide ce groupe, quelle est la position du gouvernement vis-à-vis de l'Armée de libération du Kosovo? Notre position diffère-t-elle, à cet égard, de celle de nos alliés au sein de l'OTAN?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, à ma connaissance, le Canada ne fournit aucune aide particulière à l'UCK et n'approuve pas non plus ses actes. Tout citoyen du monde qui regarde les citoyens d'un pays combattre pour protéger leurs droits et libertés éprouve une certaine sympathie à l'égard des efforts de l'UCK.

Le sénateur Forrestall: Le leader devrait lire sa documentation un peu plus attentivement.

[Français]

Le Conseil du Trésor

Le conflit en ex-Yougoslavie-Le financement des opérations militaires et humanitaires des Forces armées canadiennes-Demande de renseignements

L'honorable Fernand Roberge: Honorables sénateurs, le président américain a demandé au Congrès d'approuver l'octroi de 6 milliards de dollars pour la poursuite par les États-Unis des opérations militaires contre l'ex-Yougoslavie au cours des prochaines semaines. Pourtant, au Canada, le premier ministre et le ministre de la Défense ne font pas preuve de la même transparence qu'aux États-Unis quand vient le temps d'informer les contribuables sur les fonds investis dans ce conflit. Le premier ministre, le ministre de la Défense ou le ministre des Finances n'ont toujours pas rendu publique une liste des dépenses du Canada dans ce conflit. On ne sait pas non plus si les fonds qui sont utilisés pour financer les opérations proviennent des crédits alloués à la Défense nationale pour 1999-2000 ou d'un budget spécial.

Dans ce contexte, le leader du gouvernement peut-il nous dire de quel budget proviennent les fonds qui ont été engagés par la Défense nationale dans les opérations des Forces armées canadiennes? Est-ce que ces dépenses ont été approuvées par le Cabinet? Quel est le montant total des sommes qui ont été investies par le Canada depuis le début de ce conflit?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, toute dépense, que ce soit par le ministère de la Défense nationale, par l'ACDI ou par le ministère des Affaires étrangères, est engagée à même les budgets normaux des ministères respectifs, qui seront remboursés à une date ultérieure. Pour ce qui est des chiffres précis, on me dit que l'on a annoncé une aide humanitaire supplémentaire de 10 millions de dollars au Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et aux autres organismes à vocation humanitaire.

(1450)

Depuis le début de la crise au Kosovo, le Canada a consacré environ 22 millions de dollars à l'aide humanitaire, et je crois savoir que l'ACDI envisage maintenant de fournir une aide supplémentaire de 30 millions de dollars, ce qui donnerait un total de 52 millions de dollars pour l'aide humanitaire.

Les coûts liés à notre participation militaire vont changer avec le temps. Au cours du week-end, le ministre de la Défense nationale a annoncé que le Canada enverrait six autres CF-18 dans la région. Sauf erreur, les coûts liés à l'activité de notre contingent de 18 appareils CF-18 pendant une période de six mois s'élèveraient à environ 13 millions de dollars.

Les chiffres que j'ai mentionnés n'incluent pas le coût des munitions utilisées. Ce coût dépendra des missions aériennes effectuées.

[Français]

Le sénateur Roberge: Est-ce que le leader du gouvernement pourrait s'informer et nous dire quel est le montant total investi à ce jour dans les opérations humanitaires et militaires? Quelles sommes additionnelles le gouvernement a-t-il l'intention d'investir?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je répéterai les chiffres pour le sénateur Roberge. Nous avons annoncé un montant supplémentaire de 10 millions de dollars pour l'aide humanitaire destinée au Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et à d'autres organismes de secours. Le gouvernement avait préalablement promis 22 millions de dollars. Je crois savoir que l'ACDI envisage de fournir un montant supplémentaire de 30 millions, ce qui, comme je l'ai dit, porte le montant total à 52 millions.

[Français]

Le sénateur Roberge: Est-ce que le premier ministre va s'engager à déposer au Parlement un Budget supplémentaire des dépenses liées à la participation des Forces armées canadiennes dans ce conflit? On n'en fait aucune mention dans le Budget des dépenses du ministère de la Défense de 1999-2000.

[Traduction]

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, la chose sera faite en temps et lieu. Le parti ministériel et, sauf erreur, tous les partis représentés au Parlement appuient de façon générale les initiatives qui ont été prises, en particulier en ce qui concerne le volet humanitaire. Je serais cependant heureux de fournir des renseignements plus complets sur la façon dont les dépenses sont effectuées et sur la provenance des fonds.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous expliquer comment les dépenses sont autorisées? L'autorisation vient-elle d'un comité spécial du Conseil du Trésor, d'un comité spécial du Cabinet ou de l'ensemble des membres du Cabinet? Comment les choses sont-elles faites?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, toutes les dépenses sont faites avec l'approbation du ministre compétent, du Conseil du Trésor et du premier ministre. Comme on l'a dit, toutes ces questions sont soumises au Cabinet avec, à intervalle régulier, des comptes rendus des dépenses engagées et de l'évolution de la situation dans cette région du monde.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, si les crédits sont déjà prévus dans le budget du ministère de la Défense nationale, par exemple, et qu'on ne demande pas de fonds supplémentaires, pourquoi faut-il s'adresser à un comité spécial du Cabinet?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je n'ai pas dit qu'on s'adresserait à un comité spécial du Cabinet, mais que des comptes rendus des dépenses seraient présentés au Cabinet. Selon le processus habituel, les demandes passent par le Conseil du Trésor mais, en fin de compte, chaque ministère obtient un remboursement de l'autorité centrale.

revenu national

le rapport du vérificateur général-Les propos sur l'économie clandestine-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question au leader du gouvernement au Sénat concerne le rapport du vérificateur général du Canada et, plus précisément, l'économie clandestine.

L'économie clandestine fait perdre chaque année 12 milliards de dollars en recettes fiscales aux gouvernements fédéral et provinciaux. Or, ce sont les contribuables qui paient la note. Depuis cinq ans, Revenu Canada poursuit sa lutte contre l'économie clandestine et affirme avoir récupéré 2,5 milliards de dollars. Le vérificateur général diffère d'opinion et affirme, dans son communiqué, que le montant des sommes récupérées est plus près de 500 millions que de 2,5 milliards de dollars. Le vérificateur général nous dit qu'il est difficile de déterminer dans quelle mesure l'initiative permet de lutter contre l'économie clandestine parce que le ministère ne mesure ni ne communique les résultats de l'ensemble des activités liées à celle-ci et les changements que ces activités ont provoqués dans le comportement des contribuables.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire comment il se fait que le gouvernement n'a aucune idée de l'efficacité de cette initiative, mise en oeuvre il y a cinq ans?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, tout d'abord, je tiens à féliciter le vérificateur général et ses fonctionnaires pour leur excellent rapport. Nous attendons avec impatience d'autres rapports. Ils ont mis le doigt sur certaines faiblesses et, en même temps, ils ont félicité différents ministères pour d'excellentes performances.

Pour ce qui est de la question posée par le sénateur Oliver, je dirai que je n'ai pas encore eu le temps d'étudier à fond le rapport du vérificateur général. Je serai heureux de le faire et de répondre à cette importante question.

Les mesures législatives visant à lutter contre l'économie clandestine-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Peut-être le leader du gouvernement au Sénat pourra-t-il répondre immédiatement à ma question complémentaire.

Le vérificateur général a suggéré certaines initiatives législatives qui pourraient aider à lutter contre ceux qui trichent avec le fisc. Il s'agit notamment de nouvelles règles sur la déclaration des transactions qui permettraient de lutter contre le blanchiment d'argent, ce à quoi le gouvernement pense depuis un certain temps déjà. Le vérificateur suggère également de permettre d'obliger les contribuables à produire une nouvelle déclaration de revenus correcte et de remplacer les amendes actuellement imposées par le système judiciaire par des amendes administratives.

Mises à part les règles possibles sur la déclaration des transactions au comptant, le gouvernement envisage-t-il de nouvelles mesures législatives pour lutter contre l'économie clandestine?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, sans promettre qu'un projet de loi sera présenté avant l'ajournement d'été, je suis convaincu que le gouvernement étudie des mesures qui ont peut-être été recommandées par le vérificateur général.

La possibilité d'allégements fiscaux pour lutter contre l'économie clandestine-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, les Canadiens en ont assez d'être surtaxés et de verser autant d'argent au gouvernement pour les services qu'ils obtiennent, tout en ayant l'impression que l'argent qu'ils remettent au gouvernement est gaspillé. Ils ont aussi du mal à boucler leur budget. L'an dernier, le taux d'épargne des particuliers était de presque zéro, ce qui signifie que beaucoup de Canadiens pigent dans leurs épargnes pour pouvoir payer leurs factures. Il est facile de comprendre pourquoi ils n'hésitent pas à payer comptant pour obtenir un rabais.

Le leader du gouvernement n'est-il pas d'avis que de grandes réductions d'impôts contribueraient également à lutter contre l'économie clandestine, en dissuadant les gens de tricher?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous convenons tous que les taxes et les impôts sont trop élevés au Canada. Toutefois, pour pouvoir un jour réduire les impôts, le gouvernement se devait avant tout de résorber le déficit, et c'est ce qu'il a réussi à faire. Je l'ai déjà dit plusieurs fois, nous avons éliminé le déficit et, pendant deux ans de suite, équilibré le budget, même que le dernier budget affichait un excédent de 3,5 milliards de dollars, comparativement au déficit de 42 milliards dont nous avons hérité de l'ex-gouvernement.

Nous avons créé 1,6 million d'emplois depuis 1993 et tous les autres indicateurs économiques sont positifs. Je suis convaincu que, au moment opportun, le ministre des Finances appliquera d'autres réductions d'impôts, qui viendront s'ajouter à celles qu'il a déjà annoncées dans les deux derniers budgets.


(1500)

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'extradition

Troisième lecture-Motions d'amendement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bryden, appuyée par l'honorable sénateur Pearson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-40, Loi concernant l'extradition, modifiant la Loi sur la preuve du Canada, le Code criminel, la Loi sur l'immigration et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, et modifiant ou abrogeant d'autres lois en conséquence;

Et sur les motions d'amendement de l'honorable sénateur Grafstein, appuyées par l'honorable sénateur Joyal, c.p., que le projet de loi ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié:

1. à l'article 44:

a) par substitution, à la ligne 30, à la page 17, de ce qui suit:

«b) soit les actes à l'origine de la demande d'extradition sont sanctionnés par la peine capitale en vertu du droit applicable par le partenaire;

c) soit la demande d'extradition est présen-»;
b) par substitution, aux lignes 1 à 5, à la page 18, de ce qui suit:

«(2) Malgré l'alinéa (1)b), le ministre peut prendre un arrêté de remise lorsque le partenaire qui demande l'extradition lui donne l'assurance que la peine capitale ne sera pas imposée ou, si elle est imposée, ne sera pas exécutée, et qu'il est satisfait de l'assurance qu'on lui a donnée.».

2. à l'article 2 et nouvelle partie 3:

a) par substitution, au terme «accord», de «accord général d'extradition»;

b) par substitution, à l'expression «accord spécifique», de «accord spécifique d'extradition»

c) à l'article 2:

(i) à la page 2, par adjonction, après la ligne 8, de ce qui suit:

««extradition» Livraison d'une personne à un État aux termes d'un accord général d'extradition ou d'un accord spécifique d'extradition.»,

(ii) à la page 1, par suppression des lignes 7 à 10;

(iii) à la page 2, par substitution, à la ligne 13, de ce qui suit:
««partenaire» État qui est soit partie»;

(iv) à la page 1, par adjonction, après la ligne 10, de ce qui suit:

«accord général d'extradition» Accord en vigueur auquel le Canada est partie, qui porte en tout ou en partie sur l'extradition, à l'exception de tout accord spécifique d'extradition.

«accord général de remise» Accord en vigueur auquel le Canada est partie, qui porte en tout ou en partie sur la remise à un tribunal international, à l'exception de tout accord spécifique d'extradition.»,

(v) à la page 1, par substitution, aux lignes 11 et 12, de ce qui suit:

«accord spécifique d'extradition» Accord visé à l'article 10 qui est en vigueur.

«accord spécifique de remise» Accord visé à l'article 10, tel qu'il est modifié par l'article 77, qui est en vigueur.»,

(vi) à la page 2, par substitution, aux lignes 7 et 8, de «b) un territoire.»; à la page 2, par adjonction, après la ligne 16, de ««partenaire judiciaire» Tribunal international dont le nom figure à l'annexe.»; et à la page 2, par adjonction, après la ligne 8, de ««remise à un tribunal international» Le fait de livrer une personne à un tribunal international dont le nom figure à l'annexe.»;

d) à la page 32, par adjonction, après la ligne 4, de ce qui suit:

«PARTIE 3

REMISE À UN TRIBUNAL INTERNATIONAL

77. Les articles 4 à 43, 49 à 58 et 60 à 76 s'appliquent à la présente partie, à l'exception de l'alinéa 12a), du paragraphe 15(2), de l'alinéa 15(3)c), des paragraphes 29(5), 40(3), 40(4) et de l'alinéa 54b):

a) comme si le terme «extradition» se lisait «remise à un tribunal international»;

b) comme si l'expression «accord général d'extradition» se lisait «accord général de remise»;

c) comme si l'expression «partenaire» se lisait «partenaire judiciaire»;

d) comme si l'expression «accord spécifique d'extradition» se lisait «accord spécifique de remise»;

e) comme si l'expression «État ou entité» se lisait «tribunal international»;

f) avec les modifications prévues à l'article 78 à 82;

g) avec les autres modifications exigées par les circonstances.

78. Pour l'application de la présente partie, l'article 9 est réputé se lire comme suit:

«9. (1) Les tribunaux internationaux dont les noms apparaissent à l'annexe sont désignés partenaires judiciaires.

(2) Le ministre des Affaires étrangères peut par arrêté, avec l'accord du ministre, radier tout nom de l'annexe ou y ajouter d'autres noms de tribunaux internationaux.»

79. Pour l'application de la présente partie, le paragraphe 15(1) est réputé se lire comme suit:

«15. (1) Le ministre peut, après réception de la demande de remise à un tribunal international, prendre un arrêté introductif d'instance autorisant le procureur général à demander au tribunal, au nom du partenaire judiciaire, la délivrance de l'ordonnance d'incarcération prévue à l'article 29.»

80. Pour l'application de la présente partie, les paragraphes 29(1) et (2) sont réputés se lire comme suit:

«29. (1) Le juge ordonne dans les cas suivants l'incarcération de l'intéressé jusqu'à sa remise:

a) si la personne est recherchée pour subir son procès et le juge est convaincu que la personne qui comparaît est celle qui est recherchée par le partenaire judiciaire;

b) si la personne est recherchée pour se faire infliger une peine ou pour la purger et le juge est convaincu qu'elle est celle mentionnée dans l'arrêté.

(2) L'ordonnance d'incarcération indique le nom de l'intéressé, le lieu où il sera détenu et le nom du partenaire judiciaire.»

81. Pour l'application de la présente partie, la partie de l'alinéa 53a) qui précède le sous-alinéa (i) est réputée se lire comme suit:

«a) soit accueillir l'appel, au motif, selon le cas:»
82. Pour l'application de la présente partie, l'alinéa 58b) est réputé se lire comme suit:
«b) soit la désignation de l'infraction à l'origine de la demande de remise;»
e) par le changement de la désignation numérique de la partie 3 à celle de partie V et des articles 77 à 130 à celle d'articles 83 à 136;
f) par le changement de tous les renvois qui en découlent.»
L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, l'autre jour, j'ai pris la parole au sujet du projet de loi à la place de son promoteur, Mme le sénateur Fraser, qui s'était absentée dans le cadre d'activités du Sénat. Toutefois, comme elle est de retour cette semaine, elle interviendra au sujet du projet de loi en troisième lecture.

Je limiterai cet après-midi mes commentaires aux deux amendements proposés par le sénateur Grafstein. Le premier a trait au fait que le projet de loi C-40 continue d'accorder au ministre de la Justice la possibilité d'étudier une demande d'extradition faite par un autre pays si une des peines pour le crime dont la personne est accusée est la peine capitale. Je tiens à souligner que le projet de loi maintient le pouvoir discrétionnaire qui figure actuellement dans la loi et sur lequel la Cour suprême du Canada s'est prononcée au moins deux fois.

L'amendement proposé par le sénateur Grafstein à l'article 44 du projet de loi vise à éliminer cette latitude en cas d'extradition de quiconque risque l'imposition de la peine de mort, obligeant le Canada à refuser l'extradition en pareil cas, à moins que des assurances quant au contraire ne soient fournies. Je m'oppose fermement à cette proposition. Dans son libellé actuel, l'article 44 maintient le pouvoir du ministre de la Justice de trancher dans chaque cas particulier qu'il ait obtenu ou non des assurances de la part de l'État faisant la demande d'extradition que la peine de mort ne sera pas imposée ou, si elle est imposée, qu'elle ne sera pas appliquée.

Dans les arrêts Kindler et Ng, la Cour suprême a jugé qu'un tel pouvoir est constitutionnel. Dans ces causes, la majorité des juges de la Cour suprême ont conclu que l'extradition dans des pays où la peine de mort est imposée ne va pas à l'encontre des dispositions de justice fondamentale de la Charte canadienne des droits et libertés et ne constitue pas un châtiment cruel et inhabituel de la part du gouvernement canadien. La cour a souligné le vif intérêt du Canada à maintenir la capacité d'extrader des individus dans des territoires, comme divers États américains, qui maintiennent la peine de mort. Cette observation a trait aux répercussions juridiques d'une telle action.

Cependant, il existe des considérations prépondérantes liées aux politiques qui exigent qu'un tel pouvoir soit accordé au ministre de la Justice. C'est pour des raisons très pratiques et sérieuses que cette approche a été adoptée dans le projet de loi. En effet, si, dans chaque cas, le Canada était tenu de par la loi de demander à un État de garantir que la peine de mort ne sera pas imposée, notre pays serait considéré comme un refuge pour ceux qui cherchent à éviter les rigueurs de la loi de l'État où l'infraction a eu lieu. Ce serait donc contraire aux intérêts du Canada et de la sécurité de ses citoyens.

Je crois que la proximité des États-Unis, avec lesquels nous partageons une frontière non surveillée de 3 000 milles et où la peine de mort est appliquée dans 26 États, explique la gravité et l'urgence de la question. En éliminant le pouvoir discrétionnaire du ministre et en demandant des assurances, on se trouverait à inciter des meurtriers voulant échapper à la peine de mort à venir au Canada.

Il faut se rappeler, honorables sénateurs, que si l'État étranger refusait de donner l'assurance que la peine de mort ne sera pas réclamée, le Canada n'aurait d'autre choix que de relâcher dans ses propres collectivités ce fugitif accusé des pires crimes.

Sans vouloir être alarmiste, je voudrais donner quelques exemples des répercussions que cette proposition pourrait avoir. En parlant ces jours-ci avec des gens, j'ai été frappé par le fait qu'ils ne saisissaient pas parfaitement les implications de cette proposition.

J'utiliserai donc l'exemple de Charles Ng. Je ne me lancerai pas dans une description détaillée de ce qu'a fait Charles Ng à ses victimes car je suis certain que tous les honorables sénateurs sont au courant de ses horribles crimes, même si ceux-ci ont été commis il y a dix ans. Je rappellerai simplement qu'il a participé à la torture et au meurtre de 11 personnes en Californie au milieu des années 80 avant de prendre l'avion pour Calgary. Je rappellerai aussi qu'il était recherché aux États-Unis pour 12 meurtres, trois enlèvements, deux complots de meurtre, une tentative de meurtre et un vol avec effraction.

Lors de son arrestation à Calgary, il portait un sac à dos dans lequel se trouvaient un masque, un couteau, une corde, des capsules de cyanure, une arme et des munitions. Nous ne saurons jamais ce qu'il voulait faire avec tous ces accessoires. Nous ne saurons jamais s'il avait l'intention de les utiliser pour accomplir d'autres terribles crimes au Canada. Nous ne le saurons jamais car Charles Ng a finalement été extradé aux États-Unis, où il risque à présent la mort par injection.

Si l'amendement du sénateur Grafstein figurait dans ce projet de loi, il serait possible qu'un autre Charles Ng erre dans les rues au Canada. Ne nous faisons pas d'illusion, c'est une réelle possibilité étant donné que l'amendement proposé a pour but de garantir le non-recours à la peine de mort. Les États-Unis pourraient bien refuser de donner une telle garantie.

Que pourrions-nous faire dans ce cas? Rien. Comme l'amendement supprimerait toute discrétion actuellement laissée au ministre de la Justice, notre seul choix serait de laisser ce futur Charles Ng libre, dans la collectivité canadienne, puisque nous n'aurions aucun motif de poursuite contre lui. Je ne suis pas sûr qu'une telle réaction donnerait aux Canadiens l'impression que leur sécurité et leurs intérêts sont bien protégés.

Voici juste un autre exemple, celui de Tim McVeigh, l'homme qui a posé la bombe qui a fait 100 morts à Oklahoma. Si cet homme s'évadait et venait au Canada et si les États-Unis réclamaient son extradition, l'amendement du sénateur Grafstein aurait pour effet d'exiger des États-Unis qu'ils ne réclament pas la peine de mort et qu'ils ne l'appliquent pas si cette peine avait déjà été prononcée. En fait, Tim McVeigh a déjà été jugé et condamné pour ce crime horrible.

L'appareil judiciaire en vertu duquel il a été condamné prévoit une procédure de jugement équitable. Dans un État souverain, un jury a délibéré et est venu à la conclusion que Tim McVeigh devait être condamné à la peine de mort pour ses crimes. S'il devait s'évader et venir au Canada, en vertu de l'amendement du sénateur Grafstein, nous n'aurions d'autre choix que de le laisser libre, à moins que l'État américain qu'il a fui ne soit disposé à s'engager à ne pas lui faire subir la peine de mort.

(1510)

Nous vivons dans un monde réel et pratique. Je crois que tous ici ont appuyé et continuent d'appuyer l'abolition absolue de la peine de mort. Les sénateurs exhorteraient sans doute tous les autres États et nations à imiter le Canada, mais, comme un collègue l'a dit, nous devons suivre à cet égard la voie que nous avons empruntée à l'égard du traité d'abolition des mines terrestres. Nous devons faire des démarches et travailler aux Nations Unies. Nous devons employer tous les moyens à notre disposition pour amener tous les pays du monde à renoncer à la peine capitale. Mais nous devons avant tout être en mesure d'assurer la sécurité de nos citoyens.

Je voudrais enfin parler de l'amendement permettant de traduire des criminels devant des tribunaux internationaux. Les amendements à l'article 2 et à la nouvelle partie III du projet de loi C-40 proposent que la procédure permettant de traduire des criminels devant les tribunaux internationaux enquêtant sur les événements survenus au Rwanda et en ex-Yougoslavie soit distincte de la procédure d'extradition. Non seulement cette approche ne nous aiderait pas à honorer nos obligations au Conseil de sécurité, mais elle serait dangereuse. La proposition consistant à éliminer l'obligation de faire évaluer la preuve à l'appui de la requête par un tribunal pourrait susciter beaucoup de contestations aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés.

Par exemple, lorsqu'elle a confirmé la constitutionnalité de la procédure d'extradition, la Cour suprême du Canada a signalé dans plusieurs cas l'importance du rôle des tribunaux dans l'extradition. Si nous devions adopter une procédure différente en la matière, elle pourrait bien écorcher certains principes constitutionnels. Pour cette raison, comme il n'est pas du tout nécessaire d'adopter une procédure distincte pour traduire des criminels devant les tribunaux internationaux, il me semble imprudent de le faire, surtout si la constitutionnalité de cette méthode risque de susciter des problèmes graves.

En dépit de ce qui a pu être suggéré pendant les audiences du comité par un groupe de témoins, il est clair que l'obligation du Canada, tel que mandaté par le Conseil de sécurité, est de prendre toutes les mesures nécessaires en vertu du droit canadien pour appliquer les dispositions de la résolution du Conseil de sécurité et des statuts, y compris l'obligation des États de répondre aux demandes d'aide ou aux ordonnances émises par les tribunaux. Par conséquent, si l'un des tribunaux soumet au Canada une demande en vue de l'arrestation et de l'extradition d'une personne afin de la traduire en justice, le Canada doit être en mesure d'arrêter cette dernière et de la remettre au tribunal.

Je dois cependant souligner que rien, dans la résolution du Conseil de sécurité ou les statuts, n'empêche un État d'avoir recours à l'extradition pour s'acquitter de cette obligation, pas plus qu'il n'y est recommandé un processus particulier. Bien que les lignes directrices adoptées par le greffier après l'adoption de la résolution indiquent une préférence pour un processus autre que l'extradition, ces dernières n'ont pas un caractère obligatoire et ne font partie ni de la résolution ni des statuts. En fait, cela est confirmé par le fait que les États-Unis, qui sont un membre permanent du Conseil de sécurité et qui ont joué un rôle prépondérant dans la rédaction de la résolution, ont recours à l'extradition pour remettre les criminels aux tribunaux.

Notre processus actuel d'extradition est lourd. Si c'était le processus proposé pour répondre aux demandes d'extradition des tribunaux pénaux internationaux, je comprendrais mieux les motifs du sénateur Grafstein; toutefois, tel n'est pas le cas. Ce projet de loi renferme deux traits importants qui faciliteront l'extradition. D'une part, les exigences de preuves pour l'extradition sont réduites et, d'autre part, la détermination du caractère criminel d'une infraction dans les deux pays se fait selon une approche moderne, sans liste.

Autrement dit, aux termes du projet de loi C-40, on satisfait à l'exigence d'établir le caractère criminel d'une infraction tant au Canada que dans le pays requérant, non pas en comparant des appellations ou des définitions juridiques, mais plutôt en fonction de la conduite du contrevenant. En termes clairs, il ne sera pas nécessaire de prouver que le crime donnant lieu à la demande d'extradition constitue un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, tel que définis dans le droit pénal canadien. Tant que la conduite constitue un crime en vertu du droit canadien, quel que soit le nom donné à celui-ci, l'extradition peut avoir lieu.

En ce qui concerne la preuve, avec l'obtention du dossier certifié, il ne sera plus nécessaire de se procurer des affidavits officiels, qui risquent d'être très difficiles à obtenir dans les cas de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Ainsi, un tribunal au Canada évaluera tout de même la suffisance des éléments de preuve et le principe de la sanction réciproque dans les causes faisant intervenir les tribunaux, mais avec l'application de ces nouvelles procédures, ni l'une ni l'autre de ces exigences n'imposeront un lourd fardeau aux tribunaux, pas plus qu'elles nuiront à l'efficacité du processus.

En outre, ces nouvelles procédures, qui sont plus efficaces, offrent également des mesures de protection judiciaires à un accusé qui est citoyen canadien. Nous ne devrions jamais oublier qu'une personne recherchée par un tribunal peut fort bien être citoyen canadien. La proposition du sénateur Grafstein risque fort de priver de ces mesures de protection fondamentales des citoyens canadiens recherchés par un tribunal.

Le projet de loi C-40 établit un juste équilibre en ce qui concerne les tribunaux actuels, car il permet au Canada d'honorer ses obligations, tout en offrant une protection adéquate à la personne recherchée et en respectant les dispositions prévues dans la Constitution du Canada. Pour ces motifs, sénateurs, je voterai contre les motions d'amendement présentées par le sénateur Grafstein.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Bryden.

Au paragraphe 44(1), on dit que le ministre peut refuser d'extrader, conformément aux dispositions proposées dans les alinéas a) et b). Dans le paragraphe 2, on dit:

Il peut refuser d'extrader s'il est convaincu que les actes à l'origine de la demande d'extradition sont sanctionnés par la peine capitale en vertu du droit applicable par le partenaire.

Par conséquent, il existe manifestement un pouvoir discrétionnaire.

L'amendement proposé par les sénateurs Grafstein et Joyal se lit ainsi:

Malgré l'alinéa (1)b), le ministre peut prendre un arrêté de remise lorsque le partenaire qui demande l'extradition lui donne l'assurance que la peine capitale ne sera pas imposée ou, si elle est imposée, ne sera pas exécutée, et qu'il est satisfait de l'assurance qu'on lui a donnée.

À première vue, cet amendement n'est pas mauvais, en ce sens que, si les autorités canadiennes sont convaincues que, en extradant une personne, elle ne sera pas exécutée, nous aurons alors le meilleur des deux mondes, car nous aurons aboli la peine capitale dans notre pays et nous contribuerons à rendre la justice dans d'autres pays.

(1520)

Mon honorable collègue peut bien parler de restriction, mais pourquoi s'oppose-t-il à cette partie de l'amendement? Je comprends certaines autres parties, mais en ce qui concerne celle-là, cela me semble à première vue raisonnable. Peut-être pourrait-il préciser?

Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, selon la façon dont j'interprète l'amendement, sous sa forme actuelle, il semble qu'il s'agisse d'une façon plus complexe de présenter les dispositions actuelles du projet de loi. Si je comprends bien le texte du projet de loi, le ministre a en ce moment le pouvoir discrétionnaire de refuser, s'il n'est pas convaincu.

Je ne sais pas ce que cet amendement permettrait d'ajouter si, en fait, le sous-alinéa b) ne propose que de faire disparaître la condition obligatoire prévue au sous-alinéa a).

Le sénateur Beaudoin: Le projet de loi n'a-t-il pas pour objet d'accorder une certaine discrétion au ministre de la Justice, selon les circonstances de chaque cas, puisque la peine de mort constitue le châtiment suprême?

J'accepte votre interprétation de l'arrêt Kindler de la Cour suprême du Canada. Vous avez raison, c'est légal. D'un autre côté toutefois, nous vivons très près d'un pays où la peine de mort est appliquée dans plusieurs États. On ne retrouve pas ce problème en Europe, parce que la plupart des pays ont aboli la peine de mort. Nous faisons même l'objet de critiques de la part de certains pays européens. De toute façon, on ne peut rien changer à la géographie et il n'en reste pas moins que nous nous trouvons dans une situation bien spéciale. Nous avons aboli la peine de mort et bon nombre d'États américains l'ont encore. Ils ont leurs lois et nous avons les nôtres.

L'amendement dit en partie:

(2) Malgré l'alinéa (1)b), le ministre peut prendre un arrêté de remise lorsque le partenaire qui demande l'extradition lui donne l'assurance que la peine capitale ne sera pas imposée ou, si elle est imposée, ne sera pas exécutée, et qu'il est satisfait de l'assurance qu'on lui a donnée...

Je crois que c'est une bonne chose, à moins que vous en veniez à la conclusion qu'en cas d'échec, le ministre ne jouit d'aucun pouvoir discrétionnaire. Autrement dit, nous pouvons essayer, mais si nous ne réussissons pas, il n'y aura pas d'autre recours et la personne sera exécutée.

Mon honorable collègue prétend-il que le ministre n'a plus de pouvoir discrétionnaire? Est-ce bien là ce qu'il pense?

Le sénateur Bryden: Selon l'amendement, le ministre n'a aucun pouvoir discrétionnaire si la peine capitale est prévue. Dans certains États américains, quand un individu est reconnu coupable de certains crimes, c'est uniquement la peine capitale qui s'applique. Il n'y a pas de peine moins radicale. Dans ce cas, le ministre devrait-il attendre de l'État qui demande l'extradition une déclaration concernant l'imposition de la peine capitale? Je ne vois pas comment cela pourrait s'appliquer dans ce cas.

Le sénateur Beaudoin: Supposons que vous dites: «Je m'oppose à l'amendement proposé», ou «Il n'y a aucune chance de succès»... Dans ce cas, nous revenons au projet de loi tel que proposé. Le ministre peut refuser de rendre un arrêté de remise s'il est convaincu. C'est un pouvoir très discrétionnaire. Autrement dit, il peut refuser de rendre l'arrêté de remise parce que l'infraction en cause entraîne l'imposition de la peine capitale. Le ministre a ce pouvoir. C'est plus qu'un pouvoir discrétionnaire. C'est mon interprétation. J'ignore quelle serait l'interprétation d'un tribunal. Le ministre peut refuser s'il est convaincu que l'infraction visée par la demande d'extradition est punissable en vertu des lois qu'applique le partenaire. Il peut refuser simplement à cause de la peine capitale. C'est possible.

Le sénateur Bryden: Votre interprétation est correcte. En vertu de l'amendement, le ministre refusera et il doit refuser. Il n'y a pas de pouvoir discrétionnaire.

L'alinéa b) de l'amendement prescrit:

b) soit les actes à l'origine de la demande d'extradition sont sanctionnés par la peine capitale en vertu du droit applicable par le partenaire;

À première vue, je dirais que, dans ces circonstances, le ministre refuserait.

Le sénateur Beaudoin: Il pourrait refuser.

Le sénateur Grafstein: Il pourrait refuser.

Le sénateur Joyal: Il pourrait refuser.

Le sénateur Bryden: Le mot «peut» signifie que ce n'est pas obligatoire, mais facultatif. Le projet de loi prescrit ce qui suit:

44(1) Le ministre refuse l'extradition s'il est convaincu...

Le ministre refuse. C'est obligatoire.

Selon l'amendement proposé, le ministre refuse l'extradition s'il est convaincu que:

b) les actes à l'origine de la demande d'extradition sont sanctionnés par la peine capitale en vertu du droit applicable par le partenaire.

Voilà comment cette disposition serait formulée et ce qui serait appliqué. Si la peine capitale s'applique, c'est obligatoire. Si la personne est reconnue coupable et que la seule peine qui s'applique est la peine capitale, alors, le ministre refuse.

(1530)

Si je comprends bien, honorables sénateurs, il y a deux situations possibles. Il est clair que dans une de ces situations, si la peine capitale s'applique, elle est incontournable. Prenons comme exemple l'affaire Ng. M. Ng a été accusé, il a été reconnu coupable, puis s'est évadé et est venu se réfugier au Canada. Il a fait l'objet d'une demande d'extradition et la peine capitale s'appliquait dans son cas. Selon cet amendement, le ministre refuse de donner suite à cette demande. Il existe toutefois une clause d'exemption selon laquelle, nonobstant les dispositions susmentionnées, le ministre peut prendre un arrêté d'extradition s'il est convenu que la peine capitale ne sera pas imposée.

Honorables sénateurs, à mon avis, le problème tient au fait que le fardeau est inversé. Dans une affaire simple, si la peine capitale s'applique, l'extradition n'est pas obligatoire. Par contre, même si la peine capitale s'applique, le ministre peut quand même user de sa discrétion s'il est entendu que la peine capitale ne sera pas imposée.

Le fait est qu'il y a des cas, dans des États américains et dans d'autres pays, où cette possibilité n'existe pas. La demande ne pourrait pas être faite aux termes des lois de l'autre État. Notre ministre de la Justice doit se rendre à l'évidence que l'autre État ne peut écarter la peine capitale. Comme cette peine existe, nous ne pouvons accepter la demande d'extradition. «Bienvenue au Canada, monsieur Ng.»

(Sur la motion du sénateur Beaudoin, le débat est ajourné.)

Le budget de 1999

L'exposé du ministre des Finances-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, attirant l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances à la Chambre des communes le 16 février 1999.-(L'honorable sénateur LeBreton).

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends part aujourd'hui au débat sur le dernier budget.

Selon un vieux dicton que beaucoup d'entre nous ont entendu, on récolte ce qu'on a semé. Le gouvernement actuel a donné une tournure différente à ce diction: on récolte ce que les autres ont semé. Il ne fait pas de doute que le gouvernement récolte le fruit des efforts du gouvernement précédent. Si l'économie est vigoureuse et si les déficits ont disparu, c'est en grande partie grâce aux mesures que l'ancien gouvernement progressiste-conservateur a prises sous la conduite de Brian Mulroney. Je félicite le gouvernement, qui s'était opposé à ces mesures à l'époque, de s'être ravisé, d'avoir repris ces mesures à son compte et même de les avoir poussées plus loin.

Honorables sénateurs, l'automne dernier, le ministre des Finances a lancé les consultations prébudgétaires à l'autre endroit en présentant sa mise à jour économique et financière. Comme on peut s'y attendre, ce document relate, du début à la fin, les progrès économiques spectaculaires accomplis depuis 1993. C'est très bien. Vers la fin, on trouve toutefois une table intitulée: «Politiques publiques visant à favoriser un niveau de vie élevé».

Honorables sénateurs, le gouvernement actuel a évidemment pris certaines mesures en ce sens et il faut les reconnaître à ce titre, mais je me demande dans quelle mesure il peut se targuer d'épauler les activités de R-D, compte tenu des compressions importantes qu'il a imposées au milieu de la recherche depuis 1993. C'est toutefois là un sujet dont il faudra débattre un autre jour.

Ce qui m'a frappée, c'est que ce document fait aussi mention de plusieurs mesures adoptées sous le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney. Paul Martin reconnaît maintenant que les mesures que nous avons adoptées sont, dans une certaine mesure, à l'origine du redressement économique de notre pays. Je m'en réjouis d'autant plus que, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'opposition libérale s'élevait à l'époque farouchement contre certaines d'entre elles.

Par exemple, il est fait mention de l'ALENA au chapitre de la politique commerciale. Permettez-moi de tirer une chose au clair: Paul Martin et le gouvernement libéral s'attribuent-ils maintenant le mérite de la conclusion de l'ALENA? Honorables sénateurs, l'Accord de libre-échange nord-américain a été négocié par le gouvernement progressiste-conservateur. Certains d'entre nous se souviennent que son prédécesseur, l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, a été un enjeu électoral. Les exportations canadiennes aux États-Unis sont maintenant 2,5 fois plus importantes qu'en 1998.

Toujours sous la rubrique de la politique commerciale, il est question du rôle de premier plan joué au sein de l'OMC. Honorables sénateurs, c'est le prédécesseur du gouvernement actuel, le gouvernement progressiste-conservateur, qui a mené les négociations concernant l'OMC.

Il est ensuite question des efforts constants déployés pour assurer la libre circulation des biens et services au Canada. Honorables sénateurs, je vous rappelle encore une fois que les travaux qui ont débouché sur l'Accord sur le commerce intérieur ont été amorcés par le gouvernement progressiste-conservateur.

À propos des forces du marché qu'on laisse fonctionner librement, le gouvernement mentionne la privatisation partielle ou totale d'Air Canada, de Petro-Canada, de Canadair, de De Havilland Canada et du CN. Honorables sénateurs, je n'en croyais pas mes yeux. Je pensais lire une liste des 23 projets de privatisation amorcés ou menés à bien par le gouvernement progressiste-conservateur. C'était peut-être le cas.

Je suppose que s'il y avait eu de la place pour inscrire d'autres politiques propices au libre marché, le ministre des Finances aurait également mis à son crédit l'abolition du Programme énergétique national et de ses effets punitifs. Ceux d'entre nous qui sont ici depuis un certain nombre d'années se souviennent des ravages que ce programme a causés dans le secteur pétrolier.

Le ministre aimerait peut-être s'approprier le mérite d'avoir remplacé l'Agence d'examen de l'investissement étranger par Investissement Canada. Le gouvernement Mulroney a transformé un organisme public qui chassait les investissements du Canada en un organisme qui faisait la promotion du Canada comme un endroit propice aux investissements. Il aurait pu également mentionner la déréglementation du secteur des transports.

Dans le même document, les libéraux parlent de la taxe de vente harmonisée comme d'une taxe faisant la promotion d'un niveau de vie plus élevé. Honorables sénateurs, revenons quelques années en arrière lorsque le gouvernement conservateur a réformé le système de la taxe de vente. L'ancienne taxe sur les ventes des fabricants tuait l'emploi en gonflant les coûts de nos exportations tout en accordant un allégement fiscal aux importations. Elle était devenue une source de recettes de plus en plus incertaine, les fabricants trouvant de plus en plus de moyens de ne pas la payer.

Il a certainement fallu du cran pour la remplacer par la TPS, qui était plus visible. Il ne fait pas de doute que le coût politique de cette mesure a été lourd pour nous. Ne sachant pas qu'ils payaient une taxe de vente cachée de 13 p. 100, les Canadiens ont rechigné à payer une taxe visible de 7 p. 100. Nous avons été entraînés dans une spirale d'attaques personnelles, de désinformation, voire de déformation délibérée de la vérité.

Les libéraux, évidemment, ont visé directement la TPS. Ils ont promis de la supprimer, et les Canadiens voulaient tellement les croire, et ils les ont cru. Mais les libéraux ne se sont pas arrêtés là. Pensons aux hélicoptères et à l'aéroport Pearson. Les libéraux ont promis de supprimer la TPS dès qu'ils seraient élus. Ensuite, ils la cacheraient dans les prix à l'aide d'une taxe cachée de transfert aux entreprises.

Six ans plus tard, nous avons toujours la TPS, et le mieux qu'ils ont pu faire, c'est l'harmonisation dans les trois provinces de l'Atlantique. La TPS est si terrible qu'ils veulent maintenant que les provinces appliquent le même genre de taxe. Tout comme les ex-ministres des Finances Wilson et Mazankowski l'ont prédit, cela a marché. La TPS a produit des recettes qui ont grandement contribué à la réduction du déficit.

Poursuivons avec le document de M. Martin. Sous la rubrique «Politique budgétaire et monétaire», on voit la faible inflation. Honorables sénateurs, la stabilité des prix est une réalisation du gouvernement Mulroney. Lorsque nous avons quitté le pouvoir, le taux d'inflation se situait à 1,9 p. 100, par rapport à 3,9 p. 100 lorsque nous sommes arrivés au pouvoir. Vous souvenez-vous que l'opposition nous disait constamment de cesser d'accorder tant d'importance au taux d'inflation? Pourtant, les taux d'intérêt suivent toujours étroitement le taux d'inflation.

Lorsque Brian Mulroney a été élu premier ministre, le 4 septembre 1984, il a hérité du plus gros déficit de l'histoire du Canada. Je ne dis pas cela uniquement parce que le sénateur Graham n'a pas cessé de parler du déficit de 42 milliards de dollars dont les libéraux ont hérité, alors qu'il sait très bien que le plus gros déficit dont un gouvernement ait hérité est celui dont le gouvernement Mulroney a hérité du gouvernement Trudeau.

À l'époque, le gouvernement payait 12,13 p. 100 sur les effets publics. Neuf ans plus tard, ce pourcentage est descendu à 4,52 p. 100. Honorables sénateurs, pouvez-vous imaginer à combien s'élèverait le déficit aujourd'hui si les libéraux payaient 12 p. 100 d'intérêt sur leurs nouveaux emprunts? D'après une estimation conservatrice que l'on m'a donnée, ce serait 35 milliards de dollars de plus chaque année pour le service de la dette.

Dans le document de M. Martin, on dit aussi dans la partie intitulée «Politiques publiques visant à favoriser un niveau de vie élevé» qu'il faut éliminer le déficit fédéral pour parvenir à un niveau de vie plus élevé. Chanceux que nous sommes!

Je suis d'accord que le fait d'éliminer le déficit fédéral nous aidera à améliorer notre niveau de vie et tous les Canadiens sont fiers de cette réalisation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, suite au budget préparatoire d'avril 1993 déposé par Don Mazankowski, la première ministre Kim Campbell avait, après avoir été assermentée en juin 1993, présenté un plan quinquennal pour équilibrer le budget. Les gens d'en face n'ont eu qu'à suivre ce plan.

Honorables sénateurs, au cours des 15 années menant à 1984, le taux de croissance moyen des dépenses de programmes a été de 13,8 p. 100. Nous avons ramené ce taux à seulement 3,6 p. 100 en neuf ans. Dans notre budget de 1993, nous avions réduit encore ce taux, le faisant baisser à 1,7 p. 100.

En 1984, une augmentation annuelle de plus de 10 p. 100 des dépenses publiques était la norme acceptée, conformément à la doctrine libérale. En 1993, lorsque le nouveau gouvernement de Jean Chrétien est arrivé au pouvoir, ce genre de raisonnement n'était plus qu'un lointain souvenir. Au cours des années d'augmentation annuelle de plus de 10 p. 100, le gouvernement libéral précédent avait fait grimper les dépenses publiques au point où, en 1984, celles-ci correspondaient à 19,4 p. 100 du produit intérieur brut, soit un niveau sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. En 1993, après neuf budgets courageux, les dépenses de programmes avaient été ramenées à 16,8 p. 100 du PIB.

Honorables sénateurs, depuis 1993, le déficit a baissé de 42 milliards de dollars tandis que les recettes ont grimpé de 41 milliards de dollars. Je ne suis pas mathématicienne, mais il ne faut certainement pas être diplômé en économie ou en mathématiques supérieures pour comprendre que la principale raison pour laquelle le gouvernement a réussi à équilibrer son budget est l'augmentation des recettes. Elle est due en partie à la hausse des impôts, mais surtout à l'économie florissante qui amène des milliards de dollars dans le Trésor fédéral.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit au début de mon intervention, le présent gouvernement récolte ce que le gouvernement précédent avait semé. Les politiques qui ont généré cette croissance économique sont nées sous le gouvernement Mulroney; le libre-échange, Investissement Canada, l'abolition du terrible Programme énergétique national, les restrictions, la privatisation, la réforme de la taxe de vente, la déréglementation, autant de politiques du gouvernement précédent que le gouvernement actuel a choisi de maintenir.

Je suppose que nous devrions être reconnaissants. Ce sont les mêmes politiques qui mènent l'économie d'aujourd'hui. La population et le Parlement seraient cependant mieux servis par les politiciens de tous les partis politiques si on injectait une certaine honnêteté et une certaine intégrité dans le débat et si on rendait à César ce qui appartient à César.

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

La privatisation et les permis à quotas

Étude du rapport du comité des pêches-Suite du débat

Permission ayant été accordée de revenir aux rapports de comités:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches intitulé «Privatisation et permis à quotas dans les pêches canadiennes», déposé au Sénat le 8 décembre 1998.-(L'honorable sénateur Perrault, c.p.)

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, je voudrais présenter deux ou trois brèves observations au sujet du troisième rapport du comité sénatorial permanent des pêches qui a été déposé au Sénat, le 8 décembre 1998, et qui s'intitule: «Privatisation et permis à quotas dans les pêches canadiennes». Je voudrais aussi dire quelques mots au sujet de la réponse du ministre aux principales recommandations contenues dans notre rapport.

L'an dernier, honorables sénateurs, le comité a tenu une série d'audiences publiques sur les permis de pêche à quotas individuels qui, comme vous le savez, sont appelés QI, QIT et AE. Je me ferai un plaisir de dire plus tard aux sénateurs qui ne le savent pas ce que ces acronymes veulent dire.

Les quotas individuels tranchent carrément avec les traditions de pêche. La prétendue démarche de privatisation des stocks canadiens de poisson a vraiment débuté au début des années 80 avec la restructuration de la pêche du poisson de fond de l'Atlantique. Depuis lors, des gouvernements et des ministres et sous-ministres des Pêches ont progressivement accordé des quotas privés pour la pêche à d'autres poissons.

Je m'en tiendrai, si vous le permettez, aux trois premières recommandations du comité, mais, auparavant, je crois utile de signaler la réaction extrêmement positive qu'a suscitée l'étude du comité.

En tant qu'assemblée législative, honorables sénateurs, notre travail est évalué en partie à la façon dont nous influençons les décisions politiques qui, dans notre système, sont surtout prises par les ministres et leurs ministères respectifs. En décembre dernier, notre président, le sénateur Comeau, a rappelé ici la déclaration qu'avait présentée en octobre le ministre des Pêches et des Océans concernant le travail du comité sénatorial et qui vaut vraiment la peine d'être répétée. La voici:

Ainsi, je suis convaincu que l'étude qu'entreprend le comité sénatorial cadre parfaitement avec le rôle traditionnel et très important qu'il joue à cet égard.

Je voudrais bien que d'autres ministres de la Couronne fassent preuve du même leadership en manifestant leur appui à l'égard du bon travail qu'accomplissent le Sénat et ses comités.

Dans son intervention sur le rapport, le sénateur Butts a attiré l'attention des sénateurs sur les louanges dont de nombreux journaux de la côte ont littéralement inondé le Sénat par suite de nos conclusions. Beaucoup d'autres Canadiens ont aussi loué le travail de notre comité. Par exemple, M. Charles, de la St. Mary's University, a dit que le comité traitait certes de questions cruciales pour les pêches de tout le Canada.

L'Union des pêcheurs des Maritimes a tenu des propos élogieux au sujet du rapport du Sénat, disant qu'elle ne pouvait qu'espérer que le ministère des Pêches et des Océans soit aussi attentif que le comité du Sénat l'a été.

Roy Alexander, du conseil tribal de Port Alberni, en Colombie-Britannique, a dit que le rapport avait encouragé de nombreux résidants côtiers de sa province qui avaient l'impression que les ressources dont dépendait leur région étaient en train d'être aliénées par des fonctionnaires trop zélés qui établissaient des politiques sans tenir compte de leur impact sur les collectivités. Il a dit ensuite:

Le rapport est bien pensé et, s'il est mis en oeuvre, assurera le partage des avantages économiques entre tous les Canadiens des collectivités côtières.

L'honorable Keith Colwell, ministre des Pêches et de l'Aquaculture de la Nouvelle-Écosse, a appuyé les conclusions du comité et a exhorté le gouvernement à mettre en oeuvre ses recommandations, en particulier en lançant un débat public complet sur la privatisation dans le secteur des pêches et en imposant immédiatement un gel des nouveaux quotas individuels transférables.

Le comité du Sénat a également trouvé des appuis chez les députés de l'autre endroit. M. Peter Stoffer, porte-parole du NPD pour les pêches, a remercié le comité d'avoir produit un excellent rapport. Il a dit qu'il avait parlé à de nombreux pêcheurs qui sont extrêmement satisfaits et qui ont l'impression qu'on a enfin trouvé la réponse.

Enfin, le journaliste Silver Donald Cameron a parlé de l'utilité du Sénat - imaginez cela, honorables sénateurs - dans le Sunday Herald et a décrit le rapport du comité comme un brusque rappel à la réalité pour le ministère des Pêches et des Océans. Il a également dit bravo aux sénateurs, un compliment que nous n'entendons pas souvent, pour avoir demandé que le ministère réduise son engouement pour les QIT en examinant d'un oeil plus critique l'expérience de l'Islande et de la Nouvelle-Zélande et en envisageant des solutions de rechange qui protégeraient les collectivités côtières et les petits pêcheurs.

Il y a quelques mois, le sénateur Stewart a parlé dans cette enceinte de l'expérience de l'Islande et de la Nouvelle-Zélande relativement à la question des QIT. J'exhorte tous les sénateurs à revoir les remarques que le sénateur Stewart a faites à cette occasion.

Ce que cela veut dire, honorables sénateurs, pour reprendre les paroles de M. Saunders, de la Dalhousie Law School, c'est que:

Je crois vraiment que vos travaux auront une incidence déterminante sur ce que le MPO va faire dans les prochaines années.

Ce qui a peut-être été le plus frappant durant nos audiences, c'est le nombre de témoins qui croyaient que le comité du Sénat était peut-être la seule entité capable d'étudier une question aussi difficile et aussi controversée que celle des pêches et des droits de propriété. Je crois que le rapport du comité prouve la capacité unique de cet endroit de s'attaquer à des questions difficiles et délicates sur le plan politique.

Honorables sénateurs, la première recommandation du comité est que le gouvernement du Canada fasse par écrit une déclaration publique claire et sans équivoque dans laquelle il décrira la nature des quotas individuels et le rôle qu'ils sont appelés à jouer dans la pêche de l'avenir.

Le ministère nous a dit qu'un permis de pêche n'est qu'un privilège autorisant son titulaire, à la discrétion du ministre, à participer à un genre de pêche donné. Un quota individuel, qu'il soit accordé à un particulier ou à une entreprise, ne confère aucun droit de propriété sur les pêches ou sur le poisson et ne contribue pas à privatiser la pêche, qui est une ressource de propriété commune. Les quotas individuels correspondent au mieux à une quasi-propriété, du moins est-ce là ce que le ministère a dit au comité.

(1550)

Une grande partie des témoignages nous portent cependant à croire le contraire. Selon des témoins, le ministère favorise les permis à quotas individuels, et les QIT en particulier, en disant aux pêcheurs qu'ils détiendraient essentiellement une part des poissons. On nous a dit que les quotas peuvent servir de garantie pour un prêt et faire l'objet d'un partage au moment d'un règlement de divorce. Selon le ministère, leur durée utile est limitée. Pourtant, au moins un communiqué de presse sur les QIT qui a été diffusé par le ministère dit qu'ils sont «permanents». On peut les acheter, les vendre et les louer. Les gens qui sont titulaires de quotas individuels estiment que c'est une propriété privée.

Honorables sénateurs, il n'est pas déraisonnable d'exiger que le gouvernement fasse par écrit une déclaration claire et sans équivoque, compte tenu des enjeux.

Comme le savent les honorables sénateurs, la pêche commerciale au Canada a donné lieu à une production d'une valeur de 4 milliards de dollars l'an dernier. Il se peut cependant que les honorables sénateurs ne sachent pas que les pêcheurs titulaires d'un permis à quota individuel représentent sur le plan de la valeur près de la moitié de toutes les prises sur les deux côtes.

Le ministre a répondu de la façon suivante à la recommandation du comité:

... le ministère effectuera sous peu un examen général des politiques concernant la région de l'Atlantique,

et:
... le ministère des Pêches et Océans sera heureux de faire une déclaration publique sur le rôle des quotas individuels dans l'industrie des pêches dans l'avenir, une fois l'examen terminé.
Deuxièmement, les motifs et priorités du ministère concernant les accords de partenariat ou les partenariats ont soulevé de nombreuses questions durant les audiences. En quelques mots, les modifications proposées à la Loi sur les pêches dans le projet de loi C-62, qui est mort au Feuilleton durant la dernière législature, en 1997, auraient permis au ministre de conclure ce genre d'accords spéciaux. Les opposants du projet de loi ont fait valoir que même s'ils ne l'indiquaient pas explicitement, les articles 17 à 22 du projet de loi visaient à étendre le processus de privatisation et à annuler le droit public de pêcher en eaux maritimes qui existe en common law. Les droits de pêche exclusifs ne peuvent être créés dans ces eaux qu'en vertu d'une sanction explicite du Parlement, autrement dit par une loi.

Le comité a recommandé, premièrement, que le ministère fasse par écrit une déclaration publique sur ce que l'on entend par «partenariats pluriannuels liant le gouvernement et l'industrie» (ou «accords de partenariat»); deuxièmement, qu'il précise si ces accords visaient à annuler le droit public de pêcher qui existe en common law; et, troisièmement, qu'il indique les dispositions de la Loi sur les pêches qui empêchent le ministre de conclure de tels accords de pêche avec les divers groupes de l'industrie.

En septembre dernier, le ministre a créé un groupe indépendant de trois membres, chargé de le conseiller sur le cadre législatif approprié concernant les dispositions d'une nouvelle Loi sur les pêches relatives aux accords de partenariat. Fait intéressant, durant son enquête, le groupe a demandé au ministère de répondre par écrit à trois questions, dont l'une portait sur la nécessité, pour le ministère, d'avoir une nouvelle loi lui permettant de conclure des accords de partenariat. Publié deux jours avant le dépôt du rapport du comité sénatorial, le rapport du groupe d'étude des accords de partenariat recommandait au ministre de ne pas donner suite, dans l'état actuel des choses, à un projet de loi sur les accords de partenariat.

La troisième grande préoccupation du comité, c'est que le ministère applique des quotas individuels sans en avoir le mandat public. De petits exploitants indépendants qui pêchent de façon concurrentielle croient que des quotas individuels, surtout des QIT qui peuvent être vendus ou loués à d'autres dans un secteur de la pêche, font partie d'un plan délibéré favorisant les quotas individuels. Ils ont l'impression qu'on leur impose des quotas individuels. D'un autre côté, les fonctionnaires du ministère ont dit que les quotas individuels étaient volontaires, qu'il ne s'agissait que d'un outil de gestion, que même s'il n'y avait pas eu de débat là-dessus, on avait tenu beaucoup d'ateliers à ce sujet et qu'il n'était pas dans l'intention du ministère de privatiser le secteur de la pêche.

Le ministre lui-même a témoigné devant le comité le 15 avril et a déclaré que les pêcheurs oeuvrant dans les secteurs traditionnels de la pêche ne sont pas forcés d'adopter des quotas individuels ou des quotas individuels transférables. Cependant, plus tard dans son exposé, il a affirmé que les quotas individuels étaient l'outil de cogestion préféré du ministère.

À ce sujet, le comité sénatorial a recommandé que toute cette question soit discutée au Parlement et qu'aucun nouveau permis à quotas individuels ne soit délivré jusqu'à ce que des déclarations écrites sur les quotas individuels et sur les accords de partenariat aient été faites et qu'un débat parlementaire ait eu lieu.

Honorables sénateurs, les conclusions contenues dans notre rapport vont dans le même sens que celles des rapports passés, à savoir que le gouvernement doit présenter des énoncés de politique clairs, cohérents et explicites.

Le secteur de la pêche manque depuis trop longtemps de vision et, si vous me permettez cette observation, il pourrait sous peu être privé de poisson, ce qui est déjà le cas de nombreux secteurs de pêche, si on ne se penche pas de toute urgence sur cette question et si on ne parvient pas à ce que tous les intéressés s'entendent sur ce que signifient des termes comme «capacité excessive», «rentabilité», «propriété», «cogestion» et «partenariats».

Une fois adoptées par le gouvernement, ces recommandations permettront dans une large mesure de parvenir à une compréhension mutuelle.

J'exhorte donc tous les sénateurs à appuyer le rapport du comité.

En terminant, honorables sénateurs, je souhaite noter l'engagement pris par le ministre de revenir devant notre comité. À ce moment-là, je m'attends à ce que les membres souhaitent l'interroger en profondeur sur la réponse de son ministère à nos recommandations, réponse qui, malheureusement, n'a été reçue que le matin du 15 avril, le jour même où le ministre comparaissait devant le comité.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Meighen, mais, auparavant, qu'il me soit permis de signaler à tous ceux qui viennent de la région de l'Atlantique que sa présence au comité des pêches a été des plus encourageantes. Son intérêt, qu'il a encore manifesté lors de son discours de cet après-midi, nous donne des raisons d'espérer.

Ma question a trait à la comparution du ministre devant le comité la semaine dernière. Je voudrais comparer mon interprétation des propos du ministre avec celle du sénateur Meighen.

Notre argument était que la façon dont le ministère des Pêches et des Océans gère certains aspects de la pêche a un effet pervers sur les collectivités côtières. Si j'ai bien compris le ministre, et c'est ici que j'ai besoin du concours du sénateur Meighen, il a dit ceci: «Le mandat de notre ministère, c'est l'exploitation efficace des pêches. Nous n'avons pas comme mandat de nous préoccuper des conséquences de nos décisions sur les collectivités. Cela relève, peut-être, du ministère du Développement des ressources humaines.» Pour empirer encore les choses, il a ajouté: «Nous ferons tout ce qui, selon nous, est le plus efficace pour la pêche, à savoir mettre de grandes quantités de poissons et à bon prix sur le marché, après quoi d'autres ministères peuvent intervenir pour réparer les dommages causés par notre politique aux collectivités de pêcheurs.»

Je ne dis rien des gouvernements provinciaux, qui ont eu tendance à surcapitaliser la pêche en accordant des prêts aux pêcheurs qui voulaient construire des bateaux plus gros et plus perfectionnés.

Ai-je tort d'interpréter ainsi ce que le ministre a dit, ou du moins ce qu'implique sa déclaration? Le sénateur peut-il m'aider?

Le sénateur Meighen: Honorables sénateurs, j'essaie de lire à toute vitesse la déclaration du ministre. Je l'ai déjà lue, et mes souvenirs concordent avec l'interprétation du sénateur Stewart. Je pense que c'est le sénateur Robertson qui a soulevé la question auprès du ministre. Je voudrais éviter d'employer une expression aussi radicale que de dire qu'il se lave les mains de ces problèmes, mais il est clair qu'il ne croit pas qu'il relève de ses compétences de se préoccuper du tissu social des collectivités côtières. Il croit plutôt que son mandat est de s'occuper du poisson et de ceux qui pêchent le poisson quand ils sont en mer. Toutefois, en ce qui concerne la collectivité elle-même, je ne crois pas que le ministre soit disposé à assumer la moindre responsabilité à l'égard des collectivités.

On peut se montrer compréhensif, puisque ce serait un énorme mandat si ces deux facettes de la question étaient réunies, mais il est sûr qu'aucun d'entre nous n'approuverait un ministre qui déclarerait, au moment de mettre en oeuvre une politique: «Voici ce que je vais faire, et je ne veux rien savoir des conséquences.» Cela ne dépasse certainement pas nos compétences, en tant que parlementaires, que de rencontrer les premiers responsables d'un autre domaine et de travailler avec eux.

Le sénateur Stewart: J'ai une autre courte question complémentaire. Si la position du ministre est telle que je l'ai comprise et si elle est basée sur la loi, ne peut-on pas conclure que l'attribution des responsabilités doit être modifiée par le gouvernement du Canada? Si le ministre et son ministère ne se concentraient pas si étroitement sur l'efficacité de la pêche, les choses pourrait aller mieux. Il peut être nécessaire pour le ministre d'avoir une vue plus globale des conséquences de la pêche sur les poissons ainsi que sur les gens. En effet, il faudrait essayer de faire participer les gouvernements provinciaux afin d'adopter une quelconque approche générale face à ce grave problème.

Le sénateur Meighen: Je suis d'accord avec le sénateur Stewart. Il incombe au gouvernement et au Parlement du Canada d'amorcer ce processus. Peut-être notre comité devrait-il envisager d'étendre le mandat du ministre des Pêches et des Océans de façon à ce qu'il ne se limite plus aux nageurs et aux marins, mais qu'il comprenne également les personnes qui restent à la maison.

(Sur la motion du sénateur Fernand Robichaud, le débat est ajourné.)

La Société de développement du Cap-Breton

Motion de demande de documents concernant le projet de privatisation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Atkins:

Qu'il soit déposé devant cette Chambre tous les documents et dossiers concernant la privatisation éventuelle de la Devco, y compris:

a) les études, les analyses, les rapports et les autres initiatives de politique préparées par le gouvernement ou pour son compte;

b) les documents et les dossiers qui révèlent les noms de tous les consultants qui ont travaillé sur le sujet et les paramètres du contrat pour chacun d'eux, la valeur du contrat et les renseignements concernant la question de savoir si le contrat a fait l'objet d'un appel d'offre;
c) les documents d'information pour les ministres, leurs agents, leurs conseillers, leurs consultants et autres;
d) les procès-verbaux des réunions ministérielles, interministérielles et autres;
e) les communications entre le ministère des Ressources naturelles, le ministère des Finances, le Conseil du Trésor, le Bureau du Conseil privé et le cabinet du leader du gouvernement au Sénat.-(L'honorable sénateur Graham, c.p.).
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le 11 février 1999, le sénateur Murray a présenté une motion de demande de documents concernant la privatisation éventuelle de la Devco. Dans ses observations, il a expliqué qu'il avait également demandé des renseignements semblables en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, mais ni la motion dont nous sommes saisis actuellement ni la demande présentée initialement aux termes de cette loi ne précisaient une date.

Je crois savoir que le sénateur Murray demande uniquement des documents récents, et sûrement pas les documents produits pendant le mandat du gouvernement dont il était un membre distingué, ni des documents datant d'une époque encore plus reculée.

Quoi qu'il en soit, il semble que les renseignements demandés aux termes de la Loi sur l'accès à l'information ont maintenant été en grande partie remis au sénateur Murray. Il reste à savoir s'ils répondent à ses besoins. Cependant, comme il l'a dit lui-même lorsqu'il traitait de cette motion, il a le droit d'en appeler devant le commissaire à l'information et il envisage de le faire après avoir obtenu les réponses de tous les ministères intéressés.

Avant d'en venir à la motion comme telle, je voudrais faire certaines remarques au sujet de la demande d'accès à l'information présentée par le sénateur Murray. Je ne pense pas révéler un secret étant donné que le sénateur Murray a lui-même clairement fait état de sa demande et de la nature de sa demande. Il a également fait état dans son intervention d'une demande d'accès à l'information qu'il avait faite en rapport avec celle-ci afin d'obtenir les résultats d'une enquête sur la Société de développement du Cap-Breton et de la satisfaction qu'il avait ressentie à obtenir une réponse rapide et détaillée. J'en viens maintenant à mes commentaires.

En réponse à sa demande d'accès à l'information, le sénateur Murray avait déjà reçu certains documents du ministère des Ressources naturelles. Il a également reçu ou est sur le point de recevoir certains documents du ministère des Finances et du Conseil du Trésor. J'aurais bien aimé déposer moi-même ces documents au Sénat en réponse à la motion que nous avons devant les yeux.

Comme on pourrait s'y attendre, certains ministères possédaient plus de documents que d'autres. Cependant, les documents qui ont été communiqués incluent plusieurs notes d'information venant du ministre des Ressources naturelles; une évaluation environnementale stratégique de la Société de développement du Cap-Breton et divers autres documents. Ces documents sont les seuls que peut le gouvernement peut rendre publics.

À la fin de son discours, le 11 février 1999, le sénateur Murray a déclaré que le gouvernement n'avait aucune objection à ce que cette motion aille de l'avant. C'était effectivement le cas lorsqu'il a donné avis de sa motion, et cet appui reposait sur les limites jugées acceptables par les autorités pour ce type de motion.

Le commentaire 446, aux pages 132 à 134 de la sixième édition de l'ouvrage Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, dit clairement que, depuis 1973, les gouvernements ont clairement pour règle que les motions de ce genre, portant production de documents, devraient être limitées ou régies de façon générale par les mêmes exemptions que celles contenues dans la Loi sur l'accès à l'information.

En outre, le commentaire 447, à la page 134, stipule:

Le président n'a pas à déterminer ce qui constitue un «document confidentiel». Il appartient au gouvernement de décider si certains «documents, lettres et études» revêtent un caractère confidentiel lorsqu'il donne suite aux avis de motions portant production de documents.

Dans son discours du 11 février, le sénateur Murray soutient que ce n'est pas nécessairement le cas. Malheureusement, nous divergeons d'opinion sur ce point.

Dans son discours, le sénateur Murray déclarait ce qui suit:

En qualité de parlementaires et de sénateurs ou de députés, nous ne sommes absolument pas limités, à mon avis, par les exemptions dont dispose le gouvernement en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Je sais qu'il existe diverses conventions régissant ce que le gouvernement peut déposer au Parlement, mais elles sont loin d'être aussi vastes que les exemptions dont le gouvernement peut se prévaloir en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Bien que le sénateur Murray semble reconnaître qu'il existe des conventions qui ont été suivies ou qui auraient dû l'être dans des cas semblables, il croit que les limites imposées par ces conventions diffèrent sensiblement de celles qui sont prévues dans la loi.

Comme je l'ai déjà expliqué, Beauchesne indique clairement que des gouvernements de toutes tendances n'ont pas partagé ce point de vue. C'est pour cette raison que nous ne pouvons pas appuyer la motion.

Ce n'est pas la première fois que les rapports entre l'exécutif et le Parlement au sujet de la production de documents sont remis en question. Récemment, le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a été aux prises avec cette question, à l'occasion de l'étude d'un projet de loi concernant l'hormone de croissance bovine, la STbr.

Dans son rapport, présenté le mois dernier, le comité exhorte:

... le greffier du Sénat, de concert avec le greffier de la Chambre des communes, à examiner la question de l'accès des comités parlementaires à la documentation, tant en général que dans le cas particulier où un comité exige d'un ministère de la documentation pour s'acquitter de son travail d'une manière efficace et efficiente ...

En 1995, notre comité spécial chargé d'examiner les ententes relatives à l'aéroport Pearson avait consacré une grande partie de son temps à cette question précise. Les membres du comité, des deux côtés du Sénat, ne se sont cependant pas gênés pour exprimer leur agacement, même s'ils ont néanmoins accepté, du moins en pratique, les limites imposées par la Loi sur l'accès à l'information.

Dans son introduction au rapport majoritaire, le président du comité, notre ancien collègue, l'honorable sénateur Finlay MacDonald, écrivait ce qui suit:

Tout compte fait, nous sommes convaincus que les principaux éléments du dossier ont été rassemblés et soumis à l'examen public.

Même des années plus tard, un article que le sénateur MacDonald avait publié dans la Revue parlementaire canadienne, volume 20[4], 1997-1998, trahissait encore chez lui une irritation manifeste à l'égard de la façon dont la question de la documentation avait été traitée.

Il est clair qu'il s'agit là d'une question qui ne date pas d'hier et sur laquelle il faudra se pencher. Toutefois, je ne suis pas convaincu que nous devions le faire ou même que nous puissions le faire, simplement en adoptant cette motion, croyant ainsi que le gouvernement sera forcé de transmettre tout ce qu'il a en dossier sur la Devco. Ce n'est certainement pas ce qui s'est produit par le passé en ce qui a trait à ces motions.

Par exemple, le 22 avril 1986, le Sénat a adopté une motion, sur l'initiative de notre ancien collègue, le regretté sénateur Earl Hastings, ordonnant le dépôt de certains documents reliés aux opérations du Service correctionnel en Alberta. Selon les Journaux du Sénat, le gouvernement n'a jamais rien déposé.

On constate les mêmes résultats en 1987 lorsque le 26 juin, le Président actuel, le sénateur Molgat, a proposé et fait adopter quatre motions distinctes visant le dépôt de documents traitant de péréquation et d'autres questions financières entre le gouvernement fédéral et certaines provinces. La session s'est poursuivie pendant plus d'un an, mais rien n'a jamais été déposé, selon les Journaux du Sénat.

À la lumière de ces précédents et compte tenu des difficultés auxquelles le comité spécial sur les accords de l'aéroport Pearson a fait face et des expériences vécues plus récemment par le comité de l'agriculture et des forêts, je crois qu'il est tout à fait approprié de soumettre la question à une étude en profondeur, peut-être même en collaboration avec la Chambre des communes. C'est toutefois là une question sur laquelle le Sénat devra lui-même prendre une décision.

Entre-temps, je ne veux pas laisser l'impression qu'en s'opposant à cette motion, le gouvernement souhaite systématiquement cacher des renseignements que le sénateur Murray cherche à obtenir. J'ai déjà décrit les documents qui ont été fournis dans le cadre de sa requête d'accès à l'information. Je crois comprendre également que les fonctionnaires du ministère des Ressources naturelles sont plus que disposés à rencontrer le sénateur Murray pour discuter avec lui de la question plus en détail encore. Cependant, il y a des conventions et des pratiques relativement à la production de documents qui sont suivies depuis un très grand nombre d'années. Elles ont été établies et elles ont été appliquées, car elles touchent au coeur même de la relation entre le Parlement et l'exécutif.

En tant qu'ancien ministre et leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Murray connaît bien et comprend la nécessité des exemptions basées sur des motifs comme la confidentialité des documents du Cabinet, le secret professionnel de l'avocat et les conseils ministériels.

Ainsi, le 21 décembre 1989, à la suite d'une demande du sénateur Fairbairn, un futur leader du gouvernement, maintenant, malheureusement, un ancien leader du gouvernement, le sénateur Murray, qui était alors leader du gouvernement, a refusé de déposer un avis juridique du ministère de la Justice au sujet de la constitutionnalité d'une élection tenue par le gouvernement de l'Alberta pour combler une vacance au Sénat. Le sénateur Murray a déclaré à l'époque:

[...] Je crois pouvoir m'appuyer sur bien des précédents lorsqu'il s'agit de refuser de déposer un avis juridique donné par le ministère de la Justice.

Cela figure à la page 998 des Débats du Sénat de ce jour-là.

Non seulement le sénateur Murray pouvait s'appuyer sur un grand nombre de précédents, mais il a ajouté à ces précédents par ses propres actions lorsqu'il était leader du gouvernement.

En conclusion, honorables sénateurs, étant donné qu'il y a une divergence d'opinion claire et importante au sujet des répercussions de cette motion, nous ne pouvons l'appuyer. Nous ne pouvons accepter l'interprétation qu'en donne le sénateur Murray, et je suis persuadé que lui-même n'aurait pu souscrire à cette interprétation s'il avait été question de cela sous le gouvernement précédent.

Je tiens à garantir personnellement au sénateur Murray et à tous les honorables sénateurs que tout ce qui peut être divulgué au sujet de la privatisation de la Société de développement du Cap-Breton a été ou sera rendu public. Notre opposition à cette motion n'est pas basée sur le désir de cacher des renseignements, mais sur le désir de protéger les traditions et les conventions du Parlement depuis le début de la Confédération.

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Murray, le débat est ajourné.)

Projet de loi privé

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada-Deuxième lecture

Permission ayant été accordée de revenir aux projets de loi privés:

L'honorable James F. Kelleher propose: Que le projet de loi S-18, Loi concernant l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, soit lu pour la deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je vous remercie de votre indulgence. J'aimerais mettre le Sénat au courant de la teneur du projet de loi. Il est très simple.

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada désire modifier la loi fédérale constituant l'Association des manufacturiers canadiens. L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada est le résultat de la fusion de l'AMC et de l'Association des exportateurs canadiens; aux termes de cette dernière, l'AEC a convenu de transférer tous ses biens à l'AMC. Il a également été convenu que l'AMC changerait de nom afin de mieux refléter le nouveau mandat de l'association, qui offre maintenant son appui à ses membres en matière de fabrication et d'exportation.

L'AMC a apparemment été constituée aux termes d'une loi spéciale adoptée par le Parlement en 1902. L'AMC, qui est l'une des plus anciennes associations de gens d'affaires au Canada, a joué un rôle historique important dans l'évolution du contexte commercial au Canada. De ce fait, il a été décidé que la fusion entre l'AMC et l'AEC se ferait de manière à préserver le caractère historique de la loi qui a donné naissance à l'AMC. Toutefois, étant donné que la loi en vertu de laquelle l'AMC a été constituée en 1902 ne donne pas à l'association le moyen de changer de nom, il faut pour ce faire que le Parlement adopte un projet de loi privé.

Par ailleurs, comme il était nécessaire d'entreprendre ce processus, l'association a jugé opportun de modifier en même temps les dispositions de la loi limitant les pouvoirs de l'association en ce qui concerne l'administration de ses affaires relativement aux biens immobiliers.

L'article en question se lit comme suit:

6. L'association pourra...

e) acheter ou acquérir des immeubles, et les hypothéquer, louer vendre ou autrement aliéner; pourvu que la valeur des immeubles qu'elle possédera en aucun temps ne dépasse jamais cinquante mille piastres.
Si cet article figurait dans la loi de 1902, c'est qu'à l'époque, une personne morale du secteur privé avait une possibilité restreinte de posséder des immeubles et de conclure des transactions les concernant. Mais cet article ne s'applique plus depuis qu'en 1982, le gouvernement de l'Ontario a adopté la Mortmain and Charitable Uses Act, qui a abrogé toutes ces restrictions s'appliquant aux personnes morales du secteur privé et concernant la propriété de terrains et la conclusion de transactions à leur égard. L'alinéa 6e) n'est donc plus nécessaire aux fins de la personne morale et restreint ses activités.

Le projet de loi a pour objet, premièrement, de changer le nom de l'association et, deuxièmement, de supprimer un article afin de permettre à l'association de posséder des immeubles.

(1620)

Je suis à la disposition de tout sénateur qui voudrait poser des questions sur ce projet de loi très important.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kelleher, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent des banques et du commerce.)

La Loi de l'impôt sur le revenu

L'augmentation de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé-Motion proposant un amendement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion modifiée par l'honorable sénateur Meighen et appuyée par l'honorable sénateur Kirby:

Que le Sénat presse le gouvernement de proposer une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu, tendant à porter à 30 p. 100, par augmentations de 2 p. 100 par année sur cinq ans, le plafond de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé (régimes de pension, régimes enregistrés d'épargne retraite, régimes de pension agréés) comme cela a été fait entre 1990 et 1995, alors que le plafond de biens étrangers des régimes de revenu différé a été porté de 10 p. 100 à 20 p. 100:

a) parce que les Canadiens devraient avoir la possibilité de tirer avantage de meilleurs rendements sur leurs investissements dans d'autres marchés, ce qui aurait pour effet d'augmenter la valeur des avoirs financiers qu'ils détiennent en prévision de la retraite, de réduire le montant de supplément du revenu de sources gouvernementales dont les Canadiens pourraient avoir besoin et d'augmenter les recettes fiscales que le gouvernement tire des revenus de retraite;

b) parce que les Canadiens devraient avoir plus de flexibilité au moment d'investir les épargnes qu'ils accumulent en prévision de leur retraite tout en réduisant les risques que comportent ces placements grâce à la diversification;
c) parce qu'une amélioration de l'accès aux marchés boursiers mondiaux permettrait aux Canadiens de participer tant aux économies qu'aux secteurs industriels à plus forte croissance;
d) parce que le plafond actuel de 20 p. 100 est devenu artificiel depuis que les particuliers et les régimes de pension disposant de grandes ressources peuvent le contourner en ayant recours, par exemple, à des décisions stratégiques en matière d'investissement et à des produits dérivés;
e) parce que les problèmes de liquidité des gestionnaires de fonds de pension, qui constatent maintenant qu'ils doivent acquérir une participation significative dans une seule société pour satisfaire à l'obligation de détenir 80 p. 100 de biens canadiens, se trouveraient atténués.-(L'honorable sénateur Eyton).
L'honorable J. Trevor Eyton: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler de la motion présentée par notre collègue le sénateur Meighen et appuyée par le sénateur Kirby, qui prie le gouvernement d'augmenter la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé en la faisant passer de son plafond actuel de 20 p. 100 à 30 p. 100 sur une période de cinq ans.

J'appuie cette motion parce qu'elle me semble servir les intérêts des nombreux Canadiens qui économisent en prévision de la retraite soit grâce à un régime de retraite offert par leur employeur, soit au moyen de REER. Dans un cas comme dans l'autre, les limites sur les placements à l'étranger s'appliquent.

Je signale au passage que c'est un mythe que seuls les riches détiennent des REER. En réalité, 5,2 millions de Canadiens en ont, et la moitié d'entre eux gagnent moins de 40 000 $ par année.

Je pourrais citer de nombreux arguments en faveur d'un assouplissement des limites sur les placements à l'étranger. Pour faire vite, je vais me limiter à quelques-uns.

Le premier, c'est la nécessité d'assurer la sécurité financière des retraités. Comme nous le savons tous, le nombre de personnes qui prennent leur retraite au Canada est en hausse constante. Il augmentera de plus en plus vite au fur et à mesure que la «génération du baby-boom» quittera la population active. Les gouvernements auront du mal à subvenir aux besoins de cet important segment de notre société.

Conscients du problème, de plus en plus de Canadiens ont commencé à s'intéresser aux diverses modalités d'épargne, dont les REER, faisant de l'épargne privée une composante essentielle de la planification des revenus de retraite. Leur objectif est simple: s'assurer des revenus suffisants pour maintenir leur actuel mode de vie tout au long de leur retraite.

De toute évidence, le rendement obtenu par ces personnes sur leur investissement déterminera dans une large mesure si celles-ci vont atteindre leur objectif. Le fait d'augmenter le pourcentage d'investissement dans des biens étrangers aura deux grands effets positifs sur les fonds de retraite.

Premièrement, cette mesure réduira les risques d'investissement. À l'heure actuelle, le marché canadien des actions, qui représente à peine 2,4 p. 100 du capital social mondial, est fortement axé sur l'exploitation des ressources naturelles. Une telle concentration des investissements fait augmenter les risques. Le fait de donner aux Canadiens la possibilité d'investir dans l'autre 97,6 p. 100 du capital social mondial fera diminuer les risques pour les investisseurs, tout en leur procurant le double avantage d'une plus grande diversification et d'une planification à long terme. Cette possibilité les aidera aussi à se protéger contre les ralentissements périodiques qui surviennent dans les marchés individuels.

L'autre effet positif de l'augmentation du pourcentage du contenu étranger, ou de l'élimination de la règle actuelle sur les biens étrangers, est la possibilité d'un rendement plus élevé sur les investissements. Selon le Morgan Stanley Capital International World Index qui, soit dit en passant, est pleinement rajusté en fonction des fluctuations des devises, si, au cours des 25 dernières années, les investisseurs canadiens avaient pu bénéficier d'une limite de 30 p. 100 en ce qui a trait au contenu étranger, ils auraient pu gagner annuellement entre 82 et 152 points de base sur leur portefeuille d'épargne-retraite.

Pour l'investisseur moyen qui, par exemple, verse 5 000 $ par année dans son REER ou son régime de pension, même une différence de 50 points de base sur 25 ans se traduirait par 32 000 $ de plus à la retraite. Avec une différence de 150 points de base, on parle d'environ 64 000 $ de plus à la retraite.

Il y a une autre raison pour laquelle nous devons modifier la règle sur les biens étrangers: c'est la congestion du marché. En 1988, les sommes investies dans les fonds mutuels totalisaient à peine 20 milliards de dollars. À la fin de 1997, elles atteignaient plus de 270 milliards. Cela représente une augmentation de 500 p. 100. Les sommes investies ont augmenté de 40 p. 100 seulement au cours des douze derniers mois. Rien de surprenant alors à ce qu'il soit de plus en plus difficile de trouver de bons endroits où investir ces fonds au Canada et le défi se compliquera lorsque le Régime de pensions du Canada, qui doit aussi respecter la règle sur les biens étrangers, commencera à investir des sommes énormes sur le même marché.

En permettant aux fonds de retraite d'accroître leur contenu étranger, on réglera le problème de congestion et on offrira aux investisseurs canadiens la chance d'investir dans de nouveaux fonds, là où ils pensent obtenir un meilleur rendement.

Cela m'amène évidemment à la troisième raison de modifier la règle sur les biens étrangers. En termes clairs, la règle sur les biens étrangers empêche les Canadiens de maximiser le rendement de leurs investissements, ce qui réduit leur capacité d'acheter des biens et des services. En outre, les rendements perdus à cause de la règle sur les biens étrangers font grimper le coût des prestations de retraite des employeurs canadiens, qui offrent le type le plus courant de régimes de pensions, à savoir les «régimes de retraite à prestations déterminées». Cela réduit leur compétitivité et fait donc perdre des emplois.

La règle sur les produits étrangers a poussé les Canadiens à utiliser des sous-produits - des titres canadiens dont la valeur sous-jacente est fondée sur l'indice des cours étrangers - pour profiter d'une plus grande diversification sur les marchés étrangers tout en restant sous la barre des 20 p. 100. Comme les sous-produits doivent être reconduits à long terme à un coût considérable, il serait plus simple d'offrir aux investisseurs la possibilité d'investir directement sur les marchés étrangers.

Pour terminer, je ferai remarquer que la révolution des communications que nous connaissons en cette dernière décennie ne montre aucun signe de ralentissement. Cette révolution a fait croître de façon exponentielle les possibilités pour les Canadiens d'investir à l'étranger en toute sécurité. Au lieu de gêner ou de méconnaître ces possibilités, nous devrions encourager les gens à en profiter. Nous pouvons le faire en haussant la limite permise de biens étrangers dans des régimes de revenu différé ou en n'imposant aucune limite, à l'instar des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Australie.

Cette dernière option serait celle que je préfère; cependant, pour l'heure, je me joins aux sénateurs Meighen et Kirby pour exhorter le gouvernement à accroître le pourcentage des titres étrangers que l'on peut détenir dans un régime de revenu différé, le faisant passer de 20 à 30 p. 100 sur cinq ans.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

Les agressions sexuelles

L'arrêt récent de la Cour suprême du Canada-Interpellation-suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cools, attirant l'attention du Sénat sur:

a) l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire d'agression sexuelle opposant Sa Majesté la Reine c. Steve Brian Ewanchuk, rendu le 25 février 1999, arrêt qui a annulé le jugement de la Cour d'appel de l'Alberta confirmant l'acquittement prévu par le tribunal de première instance;

b) les intervenants dans cette affaire, c'est-à-dire le procureur général du Canada, le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada et le Centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle d'Edmonton;
c) le remplacement, par la Cour suprême du Canada, de l'acquittement prévu par les deux tribunaux de l'Alberta par une condamnation;
d) les nombreux motifs concordants du jugement rendu par Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé de la Cour suprême du Canada, qui condamnent la décision prise par le juge John Wesley McClung de la Cour d'appel de l'Alberta et la décision de la majorité de la Cour d'appel de l'Alberta;
e) la lettre du juge John Wesley McClung qui a été publiée dans le National Post le 26 février 1999 en réponse aux déclarations que Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé a faites à son endroit dans les motifs concordants de son jugement;
f) les nombreux commentaires et débats publics sur cette question, dans tout le pays;
g) les questions d'activisme judiciaire et d'indépendance judiciaire au Canada aujourd'hui.-(L'honorable sénateur Nolin).
L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, le Conseil canadien de la magistrature a annoncé récemment qu'il n'avait trouvé aucune preuve de faute judiciaire de la part de Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé dans sa décision dans l'affaire Sa Majesté La Reine c. Steve Brian Ewanchuk.

D'aucuns voient dans cette décision une preuve supplémentaire du fait que la magistrature canadienne est envahie par des féministes. Je ne sais pas comment contrer cette forme de paranoïa autrement qu'en invitant ceux qui en sont affligés à entrer dans le XXIe siècle et à examiner attentivement la pertinence et le caractère équitable des stéréotypes qu'ils entretiennent dans les relations entre les sexes dans notre société.

En dépit de l'importante couverture des médias accordée à cette affaire en mars dernier, cette décision a soulevé plusieurs questions suffisamment importantes, à mon avis, pour justifier un réexamen. La première, c'est la question de savoir si l'on doit fermer les yeux sur les agressions sexuelles au Canada. Tous les Canadiens ne profitent-ils pas du droit à la protection de la vie privée et à l'intégrité physique? Selon la décision rendue par la Cour d'appel de l'Alberta, ils n'en profitent pas.

(1630)

La décision de la Cour d'appel donnait l'impression que notre société excuse l'agression sexuelle dans certaines circonstances, lorsque les hommes ne peuvent maîtriser leurs pulsions hormonales et que les très jeunes femmes semblent accueillir favorablement les avances sexuelles en raison d'un comportement ou d'une tenue vestimentaire qui sont censés être inadéquats. Même si la victime a dit «non» à maintes reprises, les avances de M. Ewanchuk ont été considérées comme acceptables parce que la victime portait un short et qu'elle n'était pas habillée «sobrement» au moment de l'audience.

Cette décision soulève de vieux stéréotypes éculés au sujet des relations entre les hommes et les femmes. Au Canada, il y a longtemps que les stéréotypes destructeurs de la femme rusée et tentatrice et du pauvre homme à la merci de ses pulsions hormonales sont considérés comme inacceptables et injustes.

La deuxième question qu'il convient de se poser en l'occurrence, c'est comment il se fait qu'une décision unanime de tous les juges de la Cour suprême peut être transformée en conspiration féministe visant à dominer le pouvoir judiciaire. Honorables sénateurs, je serais très heureuse que la Cour suprême soit envahie par des féministes. Ce n'est malheureusement pas le cas à l'heure actuelle. Au Canada, le pouvoir judiciaire a énormément évolué pour ce qui est de répondre plus équitablement aux aspirations des femmes, mais il a encore beaucoup de progrès à faire, comme en témoigne le fait que seulement deux juges sur neuf à la Cour suprême et un pourcentage infime des autres juges nommés par le gouvernement fédéral sont des femmes.

On a laissé entendre que le mouvement féministe exerce de l'intimidation auprès des juges et met en péril l'indépendance de la magistrature au Canada. J'ai de la difficulté à m'imaginer que le mouvement féministe intimide la magistrature. Je pense plutôt que la décision de la Cour suprême est le résultat de l'indépendance de la magistrature, qui a été le reflet du point de vue de la majorité des Canadiens sur cette question. La plupart des Canadiens reconnaissent qu'une agression sexuelle constitue un crime grave, qu'elle n'est pas tolérée dans notre société, que «non» veut dire «non» et qu'un adulte de sexe masculin doit être capable de maîtriser ses pulsions hormonales en présence d'une jeune fille de 17 ans, peut importe la façon dont elle est vêtue ou avec qui elle habite.

Honorables sénateurs, le sénateur Cools nous a expliqué que le fond de cette affaire est le préjudice et l'insulte qu'un juge de la Cour suprême a fait subir au juge John McClung. Vers qui le juge McClung peut-il se tourner à des fins d'examen judiciaire impartial et de réparation, nous a-t-elle demandé?

Honorables sénateurs, il faut cependant se demander où étaient les propos insultants et préjudiciables dans les observations du juge L'Heureux-Dubé. Cette dernière, avec courtoisie et retenue, n'a fait que signaler que les stéréotypes archaïques utilisés par le juge McClung pour expliquer l'agression commise par M. Ewanchuk étaient inappropriés et inacceptables. Je cite les observations du juge L'Heureux-Dubé dans sa décision:

En Cour d'appel, le juge McClung a exacerbé l'erreur du juge du procès. En effet, au début de ses motifs, il dit qu' «il convient de signaler que la plaignante n'était pas vêtue d'un bonnet et d'une crinoline lorsqu'elle s'est présentée devant Ewanchuk et qu'elle est entrée dans sa remorque». Il a souligné qu' «elle était la mère d'un bébé de six mois et que, avec son petit ami, elle partageait un appartement avec un autre couple».

Même si le juge McClung a affirmé qu'il n'avait nullement l'intention de dénigrer la plaignante, on peut se demander pourquoi il a jugé nécessaire de souligner ces aspects du dossier du procès. Était-ce pour signaler que la plaignante n'était pas vierge? Ou encore qu'elle est une personne de moralité douteuse puisqu'elle n'est pas mariée et qu'elle vit avec son petit ami et un autre couple? De telles remarques, formulées par un juge d'appel, contribuent à renforcer le mythe voulant que, dans de telles circonstances, la plaignante mérite moins d'être crue, qu'elle a invité l'agression sexuelle ou encore que son expérience sur le plan sexuel indique qu'elle a probablement consenti à se livrer à d'autres activités sexuelles. De telles suppositions impliquent que si la plaignante manifeste son absence de consentement en disant «non» ce n'est pas réellement ce qu'elle veut dire, et que même dans le cas contraire, son refus ne peut être pris au sérieux au même titre que s'il émanait d'une fille de «bonne» moralité.

Je ne vois pas, honorables sénateurs, comment on peut qualifier ces observations d'insultantes. Sauf tout le respect que je dois à mon honorable collègue, je ne vois pas en quoi le juge McClung pourrait être une victime dans cette affaire.

Par conséquent, je voudrais reformuler l'importante question se retrouvant au coeur de toute cette affaire et qui a été posée par le sénateur Cools. Ma version de la question est la suivante: de quel recours dispose une jeune victime d'agression sexuelle pourobtenir réparation lorsqu'elle a été atteinte dans sa dignité et que sa détresse émotionnelle est publiquement niée par un tribunal en raison de stéréotypes injustes et destructeurs? J'ai une réponse à cette question. Heureusement, en l'occurrence, notre jeune victime peut compter sur le système judiciaire du Canada pour examiner avec sagesse et en tout honneur son grief et les questions soulevées.

Des voix: Bravo!

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

Les soins de santé au Canada

Interpellation - Ajournement du débat

L'honorable Wilbert J. Keon, conformément à l'avis donné le 13 avril 1999:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur l'état actuel du système canadien de soins de santé.

- Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour attirer l'attention du Sénat sur l'état du système canadien de soins de santé, et plus précisément sur la situation actuelle et sur la direction que nous devrions prendre. Mon objectif est ici de mieux faire connaître les grandes questions auxquelles est confronté le système de santé canadien et d'établir des paramètres généraux qui constitueront les fondements d'une réforme de la santé.

Tout d'abord, je voudrais parler des grandes questions auxquelles le système de santé est maintenant confronté et qui auront des répercussions majeures dans l'avenir. Ensuite, je parlerai de la nécessité de renouveler l'engagement du gouvernement en faveur de l'intégration des ressources fédérales et provinciales, ce qui constitue un élément central du processus de changement. Troisièmement, je proposerai des stratégies et des orientations à adopter pour faire face aux grandes questions. Enfin, je parlerai de l'importance d'adopter une perspective de planification à long terme pour orienter les changements qu'il faut nécessairement apporter au système.

Pendant de nombreuses années, on a vu une hésitation, de la part du gouvernement fédéral, à faire preuve de leadership, ce qui a empêché le progrès à bien des égards. Cela est compréhensible puisque les soins de santé relèvent essentiellement des provinces, qui éprouvent toutes de la difficulté à maintenir leurs systèmes. On dirait toutefois que les choses sont en train de changer. Les annonces récentes faites par le gouvernement fédéral montrent le nouveau rôle de leadership qu'il veut assumer dans le domaine de la santé. En fait, le dernier budget fédéral, déposé en février de cette année, a marqué un tournant historique pour les soins de santé au Canada.

On peut féliciter le gouvernement pour sa décision d'investir dans la santé des Canadiens. C'est une réponse progressiste aux préoccupations des professionnels de la santé et des citoyens qui savent que, pour avoir un avenir sain, notre pays doit d'abord avoir une population saine. Sous le leadership du ministre Rock, le secteur de la recherche et des soins médicaux au Canada peut compter sur un financement adéquat. Voici certaines des initiatives récentes qui montrent bien ce nouveau rôle de leadership:

  • l'établissement des Instituts canadiens de recherche en santé pour la promotion, la création et l'intégration de la recherche en santé d'un bout à l'autre du pays, et l'affectation de 47 millions de dollars de plus pour la recherche sur les trois prochaines années;
  • une augmentation de 11,5 milliards de dollars des paiements au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programme sociaux sur les cinq prochaines années;
  • l'achèvement de la phase de planification du projet de l'Inforoute santé et de l'infostructure de la santé;
  • l'amélioration de la base de financement de l'Institut canadien d'information sur la santé pour appuyer la collecte de renseignements normalisés sur les procédures et les résultats en matière de santé;
  • des initiatives visant à améliorer la qualité des services et l'accès aux services en matière de santé en milieu rural et en milieu communautaire;
  • une plus grande attention accordée à l'efficacité des services de soins à domicile d'un bout à l'autre du pays;
  • un effort constant en vue d'améliorer la santé des premières nations.

Ces annonces ont été accueillies avec beaucoup d'enthousiasme, à juste titre, par les gouvernements provinciaux, les établissements de soins de santé et particulièrement par les établissements de recherche en santé. Toutefois, la question qu'il faut se poser est la suivante: que devons-nous faire maintenant? Je vais partager avec vous certaines de mes idées à ce sujet.

Honorables sénateurs, imaginez un instant une grande société qui a un chiffre d'affaires annuel de 80 milliards de dollars. C'est une entreprise essentielle dont dépendent des millions de personnes. C'est un employeur important. Son effectif se compose de gens dévoués, très motivés et bien formés. C'est une entreprise sur laquelle les changements démographiques et technologiques ont des répercussions énormes.

Malheureusement, cependant, cette entreprise éprouve de graves difficultés. Sa clientèle change, de même que leurs besoins. D'autre part, l'assiette du revenu de l'entreprise diminue. La prestation de ses services souffre d'une surcapacité ou d'une sous-capacité. Malgré la détermination de mieux utiliser les ressources, les gaspillages et doubles emplois persistent à tous les niveaux, car ceux qui comptent sur l'entreprise s'adressent à gauche et à droite pour obtenir les «soins» requis.

Les différentes parties de l'entreprise ont grandi isolément les unes des autres. Il n'existe pas vraiment de coordination ni aucun type de planification à long terme. Bien que des données soient recueillies dans diverses parties de l'entreprise, elles ne le sont pas selon des méthodes normalisées et la comparaison des données provenant des divers secteurs de l'entreprise n'est pas chose aisée.

Dans la pire des hypothèses, cette entreprise risque de s'effondrer complètement. Au mieux, elle risque de perdre de sa raison d'être et de son utilité pour les Canadiens, à moins que des correctifs immédiats et importants ne soient apportés. Cette hypothèse, honorables sénateurs, correspond à l'état actuel de notre système de soins de santé.

Il ne fait aucun doute que la crise économique et financière qui a secoué le Canada durant les années 80 a été le principal facteur qui a amené chaque province à établir son propre programme de réforme des soins de santé. Les mesures de réforme qui sont appliquées en ce moment ont été éprouvantes pour les travailleurs, les planificateurs et les bénéficiaires du système de soins de santé. Toutefois, le contexte financier actuel, plus favorable, nous permet de planifier des changements à venir et de refaçonner le système de soins de santé, pour en faire une entreprise moderne capable de répondre aux besoins des bénéficiaires des soins de santé, aujourd'hui et dans l'avenir.

Si nous voulons conserver un système de soins de santé durable, de grande qualité et abordable, qui puisse répondre aux besoins de la population canadienne, nous devons faire preuve d'ouverture d'esprit face à l'avenir et démontrer une volonté réelle de changement. Cette volonté doit nous permettre de dépasser notre souci actuel de préserver le «statu quo» et un système de soins de santé qui a été créé il y a plus de 40 ans et qui, en dépit de tout ce qu'il a de bon, ne parvient plus à répondre aux besoins de la société.

De nos jours, par exemple, notre système de santé est incapable de répondre aux besoins d'un nombre croissant de Canadiens victimes de maladies chroniques. Les problèmes de santé nouveaux et changeants auxquels notre population fait face vont exiger l'élaboration d'une approche plus intégrée à l'égard de la prestation de soins parmi les divers fournisseurs qui travaillent dans le système. Le nouveau système va mettre davantage l'accent sur la promotion d'une bonne santé au Canada et le développement de stratégies pour contrôler les risques pour la santé et prévenir les maladies. Cette nouvelle approche permettra notamment de mettre davantage l'accent sur la réadaptation, la prévention et la sensibilisation, ainsi que sur le traitement de maladies comme le cancer, le sida et les maladies du coeur.

Honorables sénateurs, soyons clairs. Il n'y a pas qu'une seule solution aux défis que nous devons relever. La réforme du régime de soins de santé est une question complexe, à plusieurs facettes, qui exige une réflexion approfondie et la coopération des divers intéressés. Le maintien de notre système de soins de santé à l'avenir exige de prendre immédiatement des mesures audacieuses. Cela n'exige pas, cependant, davantage d'argent ou d'autres études sur la façon d'améliorer la santé. Même si on aura peut-être besoin de plus d'argent au départ pour favoriser le processus de transition, l'objectif à long terme est de rééquilibrer nos dépenses actuelles dans le domaine des soins de santé en utilisant nos ressources pour offrir de nouveaux types de soins pour ce qui est des soins de longue durée, des soins à domicile et d'autres types de soins dans la collectivité.

Il est inutile de consacrer davantage aux soins de santé. Étant donné que nous y affectons un peu moins de 10 p. 100 de notre produit intérieur brut, les Canadiens dépensent suffisamment pour favoriser l'accès à un bon système de soins de santé. En fait, nous consacrons beaucoup plus aux soins de santé au Canada que des pays comme la Suède et la Hollande, qui ont des populations beaucoup plus âgées. Ce qu'il faut faire, c'est dépenser plus judicieusement pour veiller à ce que nous dépensions l'argent au bon moment, au bon endroit et aux bonnes fins.

Nous n'avons pas besoin d'autres études sur la façon d'améliorer notre santé. Tous les rapports qui se sont succédé nous ont dit que l'amélioration de la santé de notre population exigerait, en plus des investissements dans notre système traditionnel de soins de santé, des investissements dans d'autres domaines qui influent sur la santé. Cela englobe les coûts pour les particuliers, les familles et les entreprises, ainsi que le potentiel humain sous-utilisé et la capacité productive perdue.

La réforme du système canadien de soins de santé est une tâche qui ne peut être sous-estimée, cependant. Le «caractère unique» de notre pays et l'attachement très important de la population à l'égard de notre système actuel de soins de santé posent une série de problèmes complexes qui doivent être réglés.

D'abord, notre système de soins de santé dessert l'une des populations les plus diversifiées au monde aux plans économique, social, culturel et démographique, une diversité qui ne fera que s'accentuer avec les années. Comme la population continuera de changer et de se diversifier et que les coûts et les services en matière de soins de santé seront soumis à des pressions de plus en plus fortes, les fournisseurs de services et les gouvernements devront répondre à une demande de plus en plus pressante pour des soins de santé qui soient non seulement rentables et adaptés aux besoins d'une population changeante, mais qui tiennent aussi compte de l'importance des facteurs déterminants de la santé qui débordent le système de soins traditionnel, comme la propreté et la sûreté de l'environnement, la salubrité des logements et la vigueur de l'économie.

Nous devons aussi trouver des solutions aux écarts prononcés qui persistent entre les régions du pays et certaines strates de la population et même dans certaines régions et villes. Il faut ajouter à ces défis le fait que de plus en plus de Canadiens se disent mécontents du système actuel. Cette insatisfaction se traduit par une inquiétude et une anxiété plus fortes à l'égard de ce qu'ils perçoivent comme étant la baisse de la qualité des soins de santé; une moins grande accessibilité des services; une détérioration des conditions de travail; la nécessité d'un nouveau mélange de services de santé pour avoir accès à d'autres types de dispensateurs de soins; et l'inaptitude croissante du pays à contrôler les coûts des soins de santé.

Honorables sénateurs, ce qu'il faut, c'est un ensemble de solutions sur lesquelles on puisse travailler simultanément, un ensemble de solutions qui s'enrichisse des résultats de l'étude de nombreuses solutions de rechange et qui tienne compte d'idées et de notions pas forcément conformes à la sagesse conventionnelle, et un ensemble de modifications qui aient comme point de départ les points forts du système actuel, dont le moindre n'est pas la certitude qu'ont la plupart des gens que lorsqu'ils seront malades ou blessés, ils auront assez facilement accès aux services diversifiés et de qualité dont ils auront besoin pour recouvrer la santé. Cette confiance est bien placée dans nos «ressources», soit des professionnels de la santé, des établissements et des organismes qualifiés.

(1650)

Aujourd'hui, je désire proposer huit stratégies comme point de départ à la tenue d'une enquête sur le régime de santé. J'ai bon espoir qu'une exploration de chacune de ces stratégies nous incitera à élaborer un plan stratégique plus clair qui témoignera d'un leadership fédéral fort. Au cours des mois à venir, je discuterai plus en détail de chacune de ces huit stratégies, et j'inviterai d'autres personnes à présenter leur point de vue.

La première stratégie porte sur la nécessité d'une vision. Nous devons d'abord clairement définir notre mission et nos objectifs stratégiques en ce qui concerne notre régime de santé. Ces stratégies devraient être élaborées dans le cadre d'une vaste consultation de la population en général et des représentants de tous les secteurs du régime de santé. Cette vision devrait comprendre un cadre structuré, ce qui nous permettra de créer un régime national de santé qui offrira un certain niveau de soins, compte tenu du point de vue de la population et des dispensateurs des soins.

La deuxième stratégie consiste à élaborer un programme de planification et d'orientation à long terme. Une fois que nous aurons une vision en place, nous pourrons commencer à établir un plan national à long terme en vue d'opérer une réforme. Ce plan ne devrait pas être élaboré par le gouvernement; il devrait être conçu dans l'esprit de la mosaïque canadienne, où l'on encourage, renforce et stimule les organismes actuels pour qu'ils contribuent à l'élaboration d'un plan à long terme.

La recherche de solutions aux crises quotidiennes est devenue le modus operandi de la plupart des décideurs. On a remarqué l'absence de toute planification à long terme. Cette gestion réactionnelle et ponctuelle donne l'impression qu'on passe d'un problème à l'autre sans savoir où toute cette activité mènera. Nous devons et pouvons faire beaucoup mieux.

Il y a un besoin urgent de constituer un groupe de planification à long terme au Canada. Ce groupe devrait avoir pour mandat d'examiner le rôle des professionnels de la santé, des administrateurs de la santé et des gouvernements, et les rapports qu'ils entretiennent entre eux, afin qu'ils travaillent ensemble à l'élaboration d'un plan de réforme à plus long terme qui garantira l'existence d'un régime national de santé reposant sur des valeurs nationales, et non sur des principes ou des croyances.

La troisième stratégie consiste à convaincre le public de la nécessité du changement. Un des grands défis sera d'amener le public à participer au processus de changement. Pour ce faire, nous devrons sensibiliser toute la population aux forces et aux faiblesses du système de santé actuel. Il faudra également insister auprès du public sur l'importance et la valeur de tous les aspects du système de santé.

Il nous faudra également chercher à mieux comprendre ce qui, aux yeux de la population, ne va pas dans le système de santé actuel afin d'être en mesure d'extirper certains mythes et malentendus qui ont cours. Une fois que nous aurons recueilli ces données, nous serons plus à même d'élaborer des options et des scénarios pour bâtir un système de santé qui saura relever les défis du prochain siècle.

La quatrième stratégie a trait à l'intégration des systèmes. En réalité, nous n'avons pas actuellement un véritable système de santé, mais nous en parlons comme si c'était le cas. Certes, nous disposons de toutes les composantes nécessaires à la constitution du système, mais nous ne les rassemblons pas pour en faire un tout fonctionnel. Pour favoriser une meilleure intégration, il nous faudra, entre autres, mettre sur pied un système national d'information en matière de santé qui saura rendre le système plus accessible et responsable. Toutefois, sans une orientation et des objectifs bien définis, comme nous l'avons mentionné à propos de la première stratégie, ces informations ne pourront pas être aussi utiles qu'elles le devraient.

Je félicite le gouvernement pour les progrès qu'il a accomplis jusqu'ici dans ce domaine. Toutefois, il faut maintenant la coopération des institutions fédérales, provinciales et régionales pour assurer la mise en oeuvre de cette mesure.

La cinquième stratégie consiste à examiner le rôle du secteur privé et du troisième secteur, le secteur bénévole, dans un nouveau système de santé. On hésite dans ce pays à parler du rôle du secteur privé et du troisième secteur, le secteur bénévole, dans le système des soins de santé. Durant les années 90, nous avons assisté à une importante augmentation de la part de financement assurée par le secteur privé, qui est passée de 25 p. 100 en 1990 à 28 p. 100 aujourd'hui. Cet investissement du secteur privé est supérieur à celui qu'on voit dans la plupart des pays européens et le double de ce qu'il est au Royaume-Uni, où il existe en fait un système privé parallèle. Aujourd'hui, parmi les 28 pays membres de l'OCDE pour lesquels on dispose de données comparables, le Canada se classe au vingt-troisième rang pour ce qui est des dépenses du secteur public par rapport aux total des dépenses de santé.

Quels sont les facteurs qui contribuent à l'accroissement des dépenses privées dans le secteur de la santé? Est-ce la conséquence de la nature restreinte de la Loi canadienne sur la santé? Peut-on attribuer cela à l'évolution des besoins de la population, ou est-ce plutôt le résultat de l'évolution de la nature des services fournis par suite de la nouvelle technologie et de l'arrivée de nouveaux médicaments?

Nous devons accepter le fait que le secteur privé a toujours contribué au financement du système de soins de santé et qu'il continuera de le faire. Si l'on ne prend pas la participation des secteurs privé et bénévole en ligne de compte dans l'évolution du système, nous aurons des problèmes fondamentaux dans l'élaboration des futurs plans de réforme.

La sixième stratégie consiste à bâtir des partenariats plus forts entre les secteurs privé et public. Les employeurs et les partenaires du secteur privé doivent travailler en collaboration plus étroite avec le gouvernement. Les employeurs peuvent faire beaucoup, en collaboration avec les gouvernements, pour améliorer l'efficacité et l'efficience globales du système de santé. La possibilité d'établir des relations plus étroites entre le gouvernement et le secteur privé offre un énorme potentiel encore inexploité pour la mise au point d'un système de soins de santé renouvelé.

Le secteur public aurait beaucoup à apprendre du secteur privé. La plupart des décideurs du domaine de la santé sont tellement occupés à surmonter l'état de crise immédiat qu'ils ne portent pas attention à ce qui se produit de très bien autour d'eux. Le système de santé doit apprendre à imiter le secteur privé, qui a tout intérêt à appliquer les meilleures pratiques s'il veut faire des bénéfices.

La septième stratégie consiste à intégrer les programmes d'action en matières sociales et économiques. Nous devons établir plus de liens entre les programmes d'action en matières sociales et économiques au Canada. Nous favoriserions ainsi une meilleure compréhension des interactions entre les politiques sociales et financières et des effets de ces interactions sur la santé.

Est-il possible que notre piètre performance en matière de productivité soit en partie reliée à cette divergence au chapitre de l'établissement des politiques? Le Canada est en train de passer d'une économie basée sur les ressources à une économie basée sur les connaissances. Une économie basée sur les connaissances s'appuie sur le capital humain, et il devient donc essentiel pour l'économie du pays que nous investissions dans la santé des Canadiens. Nous devons voir ce genre d'investissements au profit des Canadiens comme des investissements au chapitre des équipements collectifs, ce qui constitue en fin de compte la base même de l'économie canadienne. Si nous voulons que le Canada retire des avantages de la nouvelle économie, il est essentiel que les politiques sociales et économiques soient préparées de concert.

Il y a un autre facteur que nous oublions souvent, c'est-à-dire que le fait que notre système soit un système à payeur unique présente de grands avantages. En fait, notre système de santé financé par l'État est l'un des principaux facteurs qui nous aide à soutenir la concurrence face à la mondialisation des marchés et à donner un avantage aux entreprises canadiennes en matière de concurrence. Un rapport préparé par l'ancien Conseil sur le renouveau économique pour le premier ministre de l'Ontario a souligné que les entreprises de l'Illinois, du Michigan, de New York, de la Californie et de l'Ohio dépensaient environ 2,5 fois plus que ceux de la plus grosse province du Canada pour ce qui est de l'assurance-maladie, de l'indemnisation des accidentés du travail, de l'assurance-emploi et de la sécurité sociale. Cela devrait être un argument de poids pour attirer les entreprises au Canada, mais en général, on ne le reconnaît pas, ou du moins on ne l'utilise pas adéquatement comme outil de vente. Lorsque j'ai moi-même lancé ma propre entreprise, il y a quelques années, j'ai employé à fond cet argument, soit la qualité de vie à Ottawa, et j'ai obtenu d'excellents résultats.

Le caractère national de notre système de santé sert aussi à améliorer la mobilité de la main-d'oeuvre, ce qui peut être important lorsqu'il faut réagir aux fluctuations dans les exigences des entreprises et dans les débouchés. Si nous ne faisons pas un effort concerté pour élaborer parallèlement les politiques sociales et économiques, elles pourraient fort bien s'infirmer réciproquement.

La huitième stratégie consiste à montrer un leadership fédéral fort. La volonté politique est cruciale pour le progrès de tout programme national de réforme du système de santé. Il faudra répondre à des questions difficiles: que signifie l'union sociale? En quoi diffère-t-elle du statu quo? À quoi pouvons-nous nous attendre dans le contexte de l'union sociale? Comment les ressources fédérales, provinciales, régionales et privées peuvent-elles être mieux coordonnées pour maximiser les résultats? La Loi canadienne sur la santé est-elle un facteur limitatif d'un réel changement? Le temps est-il venu de revoir cette loi? On pourrait le faire tout en la respectant et en la renforçant.

Les problèmes auxquels nous devons faire face sont complexes et entremêlés. Ce ne sont pas des problèmes simples et isolés qu'il est facile de résoudre, comme on le prétend parfois. Pour trouver des solutions, il faudra des efforts collectifs de la part de tous les échelons de gouvernement, du secteur privé, du secteur du bénévolat et du grand public.

En introduction, j'ai souligné certains des engagements que le gouvernement fédéral avait pris pour renforcer les assises de notre système national de services de santé. Il est essentiel d'avoir un leadership national non seulement pour garantir la pérennité d'un système national capable de répondre aux besoins à venir des Canadiens, mais aussi pour faire en sorte que ce soit le catalyseur d'un vrai système de santé au Canada.

Ces dernières années, il y a eu de nombreux efforts isolés en vue de réformer le système. Des études sont en cours sur une foule de sujets, par exemple les avantages de systèmes intégrés, la mesure de la responsabilité, la définition des locaux adéquats, la prise de décision dans le protocole de soins, les lignes directrices sur l'adoption des technologies nouvelles, les plans d'un système national d'information en matière de santé et l'inforoute de la santé, des stratégies d'amélioration de la prestation des services primaires, des stratégies des ressources humaines visant à assurer un nombre suffisant de dispensateurs et de professionnels des soins, et cetera.

Toutes ces études et ces initiatives, même si elles sont nécessaires et utiles, s'effectuent de manière spontanée et indépendante. Seules, elles n'ont pas beaucoup d'incidence. Nous devons trouver un moyen de les rassembler. À l'heure actuelle, il n'y a aucun mécanisme pour que les intéressés fassent consensus sur les études devant recevoir la plus haute priorité. Il n'y a aucun mécanisme pour évaluer les projets. Il n'y a aucune façon de communiquer les résultats aux fournisseurs, aux consommateurs et aux gouvernements d'une manière uniforme, logique et significative.

Nous avons besoin d'une seule entité, indépendante du gouvernement, mais établie par le gouvernement fédéral pour assumer un rôle de chef de file capable d'intégrer l'éventail des projets de recherche qui sont en cours d'un bout à l'autre du pays. Cette entité serait axée sur la tâche à accomplir, poursuivrait des objectifs clairement établis, rendrait compte à la population de ses travaux, faciliterait la prise de conscience et favoriserait l'adoption de conclusions crédibles à mesure qu'elles apparaîtraient, grâce aux conseils fournis régulièrement par le ministre de la Santé. La création de cette entité stimulerait chez les Canadiens l'attente de la divulgation et de la discussion de nouvelles constatations visant à améliorer le système de santé. De même, elle fournirait un véhicule assurant davantage d'enthousiasme, de confiance et de soutien à l'égard du changement.

Honorables sénateurs, un avenir prometteur nous attend, mais si nous refusons de nous engager envers le processus de changement maintenant, et si nous laissons passer cette occasion d'élaborer des initiatives à long terme qui conforteront les besoins d'une nouvelle société, nous risquons d'être confrontés à une réalité bien différente.

(Sur la motion du sénateur DeWare, le débat est ajourné.)

La santé

Motion portant le maintien des règlements actuels sur la caféine en tant qu'additif alimentaire-Ajournement du débat

L'honorable Mira Spivak, conformément à l'avis du 9 mars 1999, propose:

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à continuer de réglementer la caféine en tant qu'additif alimentaire dans les boissons gazeuses d'ici à ce qu'on démontre que tout changement proposé n'aura pas d'effets nuisibles sur la santé des Canadiens et des Canadiennes et, plus particulièrement, sur la santé des enfants et des jeunes.

- Honorables sénateurs, il y a environ 14 mois, Santé Canada a proposé d'apporter un changement important concernant les boissons gazeuses vendues au Canada. Dans la partie I de la Gazette du Canada, le ministère a recommandé au gouvernement d'autoriser Pepsi et d'autres fabricants de boissons gazeuses à ajouter de la caféine à une nouvelle gamme de boissons gazeuses destinées à nos enfants et à nos jeunes. Mountain Dew, Kick, Mello Yello et Surge comptent parmi les boissons gazeuses vendues aux États-Unis. Elles contiennent toutes plus de caféine que Coke et Pepsi.

Les raisons justifiant la proposition du ministère de la Santé sont publiées dans la Gazette du Canada et sont fort simples: les règles canadiennes et américaines qui s'appliquent à ces produits pourront être harmonisées et les entreprises de boissons gazeuses pourront «uniformiser» leur recette.

Avant de proposer des changements à notre réglementation, le ministère a consulté la société Pepsi, qui a hâte de pouvoir ajouter de la caféine au Mountain Dew. Certains scientifiques de Santé Canada s'opposaient à ce changement pour des raisons de santé, mais leurs objections n'ont pas été retenues. Aucune consultation n'a été menée auprès des médecins, des groupes de santé publique ou d'autres organisations qui se demandent s'il est prudent d'exposer les enfants et les adolescents à de nouvelles sources de caféine.

Toutefois, quelques semaines avant de publier sa proposition, Santé Canada a recueilli le point de vue de ceux qui sont atterrés par cette suggestion, notamment l'Institut canadien de la santé infantile, le Centre for Science in the Public Interest et bien d'autres. Ces organismes étaient atterrés, parce que la caféine est une drogue. C'est une drogue psychotrope, un stimulant qui agit sur le cerveau, accélère le métabolisme et entraîne la perte de calcium. C'est une substance qui engendre une dépendance. C'est la seule drogue psychotrope qui peut être vendue légalement aux enfants. À eux seuls, ces faits devraient inciter les organismes de réglementation pharmaceutique à la prudence.

Les effets de la caféine sur les adultes vont de l'anxiété, l'insomnie, l'irritabilité et la dépression jusqu'aux maux de tête graves et à d'autres symptômes de sevrage lorsque les adultes cessent de boire du café et de manger du chocolat. Les médecins conseillent aux femmes enceintes et à celles qui allaitent de restreindre leur consommation de caféine. Des études démontrent que la caféine augmente le risque de fausse couche et retarde le développement du foetus. On a démontré que la caféine était si puissante qu'elle pouvait être fatale à très fortes doses - «très fortes», je le concède.

Ce sont là les effets négatifs connus sur des adultes en santé. Santé Canada recommande aux adultes de ne pas consommer plus de 400 ou 450 milligrammes de caféine par jour, soit une quantité que l'on retrouve dans trois ou quatre tasses de café filtre. C'est la recommandation pour les personnes dont le système nerveux est pleinement développé, dont le poids est le double ou le triple de celui d'un enfant et qui ont de toute évidence absorbé suffisamment de calcium pour avoir des dents et des os sains.

Qu'en est-il des enfants et des adolescents, qui traversent des poussées de croissance? Il n'existe pas de recommandation officielle sur la consommation de caféine les concernant. La plupart d'entre nous pouvons nous souvenir de l'époque où la caféine était pratiquement interdite aux enfants. On disait qu'elle ralentissait la croissance.

Il y avait une certaine sagesse dans cette mise en garde. Beaucoup de parents refusaient du thé ou du café à leurs enfants, et c'est encore le cas. À l'époque, les quantités de caféine que les enfants consommaient en buvant du Coke ou du Pepsi étaient de loin inférieures à ce qu'elles sont aujourd'hui. Les bouteilles étaient beaucoup plus petites, environ la moitié de ce qu'est une canette à l'heure actuelle. Les formats géants qui se trouvent dans les dépanneurs et les contenants de 40 onces qui se vendent dans les cinémas et les établissements de restauration rapide n'existaient pas.

Depuis la fin des années 40, les fabricants de boissons gazeuses ont augmenté la taille des bouteilles et énormément accru leur production. Aux États-Unis, la production est passée de l'équivalent de 100 canettes par personne par année à près de 600 canettes aujourd'hui.

Selon les estimations les plus conservatrices, un adolescent américain sur quatre qui consomme des boissons gazeuses ingurgite au moins cinq canettes par jour, et un sur dix en boit au moins sept. Six des sept boissons les plus populaires contiennent de la caféine. C'est pour cela que certaines personnes appellent les jeunes Américains d'aujourd'hui la «génération sous tension».

Je n'ai pas de chiffres détaillés sur la consommation de boissons gazeuses chez nos jeunes, mais nous savons que, dans l'ensemble, les Canadiens boivent 25 p. 100 de plus de boissons gazeuses que de lait. De prime abord, nous ne devrions pas encourager nos jeunes à suivre l'exemple des États-Unis en harmonisant nos règlements.

Certains des effets néfastes sur la santé des enfants sont évidents. Les jeunes qui préfèrent les boissons gazeuses au lait ou au jus consomment beaucoup de sucre et peu de substances nutritives. Si ces boissons gazeuses contiennent de la caféine, ils perdent du calcium, dont leur organisme en croissance a besoin. Selon une porte-parole de l'American Dietetic Association, il y a un risque que les enfants n'arrivent pas à avoir une masse osseuse suffisante. Un nombre croissant d'études montrent en outre qu'une surconsommation de caféine rend les enfants nerveux, anxieux, agités, frustrés et plus prompts à la colère.

Judith Rapport, chercheuse en pédopsychiatrie au National Institute of Mental Health, a découvert que les enfants de 8 à 13 ans qui consomment régulièrement de fortes doses de caféine sont plus agités en classe. Deux études ont observé des symptômes de sevrage de la caféine chez des enfants. Le docteur William Cochran, gastro-entérologue pour enfants à Penn State, dit que des maladies courantes des enfants comme les infections de l'oreille, le rhume, la bronchite et l'asthme sont peut-être exacerbées par les boissons gazeuses à la caféine.

Il est très troublant que le comité des décisions alimentaires de Santé Canada n'ait pas convenablement examiné ces questions avant que la décision ne soit prise, il y a 14 mois. Je sais de source sûre que des membres du comité ont essayé de soulever des préoccupations relatives à la santé. Au bout du compte, ils ont été renversés par des membres tardifs du comité qui ont plaidé en faveur du choix des consommateurs et des intérêts commerciaux.

La seule raison sanitaire de publier la décision était la prétention non corroborée que les Canadiens, y compris les enfants, abandonneraient les colas pour d'autres boissons à la caféine comme le Mountain Dew. Nos hauts fonctionnaires ont dès lors présumé qu'il n'y aurait pas de hausse de la consommation de caféine. Je les mets au défi de le prouver.

Cette argumentation est celle de Pepsi. C'est l'argumentation d'un distributeur très agressif. C'est l'argumentation d'une société qui pousse à faire boire des boissons gazeuses aux bébés en permettant aux fabricants de bouteilles pour bébés d'utiliser son logo. C'est l'argumentation d'une société qui a distribué gratuitement un demi-million de téléavertisseurs à des enfants américains, mais seulement après qu'ils eurent lu la promo de Mountain Dew. C'est l'argumentation d'une société qui verse jusqu'à 11 millions de dollars à des conseils scolaires pour le droit exclusif de distribuer son produit et d'afficher des annonces publicitaires au mur des gymnases d'école et dans les autobus scolaires. C'est l'argumentation d'une société dont la publicité assure aux adolescents qu'il n'y a «rien de plus intense que d'avaler une Dew».

Notre Direction générale de la protection de la santé a accepté sans broncher l'assurance que la consommation de caféine ne s'accroîtra pas avec la vente de Mountain Dew et d'autres boissons à forte teneur en caféine. Il s'agit d'une argumentation spécieuse. Cela me dit qu'il y a vraiment quelque chose qui cloche dans notre méthode d'approbation des drogues. J'espère qu'un comité sénatorial se penchera sur l'approbation de la caféine.

Je suis heureuse de constater que le ministre de la Santé n'a pas rapidement donné suite à la proposition concernant la caféine. Ses fonctionnaires m'ont dit qu'il y aura une évaluation en profondeur. Il envisage aussi la possibilité d'un examen externe. J'aimerais savoir pourquoi. Santé Canada compte des évaluateurs compétents. Ce ministère comprend des gens qui soulèvent des préoccupations légitimes en matière de santé publique. Le sous-ministre nous a donné l'assurance que le public est le client à Santé Canada. Il ne nous reste qu'à en convaincre ceux qui pensent autrement et à insister pour que toutes les questions de santé soient examinées avec soin.

Si le ministère a l'intention de confier l'examen à un service de l'extérieur, il ne doit cependant pas exister de conflit d'intérêt perçu. Le ministère doit appliquer avec rigueur ses propres lignes directrices efficaces en matière de conflits d'intérêt. Peu importe la façon dont l'examen est effectué, il doit aussi se fonder sur les études appropriées. De plus, comme l'a recommandé le comité de l'agriculture dans le cas de l'hormone de croissance bovine, la décision finale doit appartenir aux évaluateurs qui sont avant tout préoccupés par la santé du public.

En terminant, honorables sénateurs, je tiens à insister sur certains des mêmes points que nous avons soulevés dans le cas de l'hormone de croissance bovine. Personne ne réclame à grands cris l'ajout de caféine dans des produits de haute qualité structurale comme le Mountain Dew, le Mello Yello ou le Surge. L'ajout de caféine à des boissons gazeuses ne contribue pas au traitement des maladies. Il ne prévient pas les maladies et il ne favorise ni une bonne santé ni une saine nutrition. Il n'aide que le fabricant.

Je sais qu'après avoir joué un match de hockey, mes petits-enfants ont envie de boire une boisson gazeuse à la cantine du club communautaire. Pourquoi doit-il y avoir de la caféine dans ces boissons?

Avant que la Direction générale de la protection de la santé ne permette à Pepsi de vendre plus de Mountain Dew contenant de la caféine dans notre pays, elle doit s'assurer que cela ne sera pas nuisible à la santé des Canadiens, et à celle de nos enfants en particulier.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

Les droits de la personne au Tibet

Motion modifiée visant à exhorter le gouvernement de la Chine à reconnaître le droit à l'autodétermination et les droits humains des Tibétains-Ajournement du débat

L'honorable Consiglio Di Nino, conformément à l'avis du 11 mars 1999, propose:

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à se servir de ses bons offices pour exhorter le gouvernement de la Chine à respecter le droit à l'autodétermination et les droits humains du peuple du Tibet et, en particulier, à respecter la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que les résolutions adoptées par l'Assemblée générale de l'ONU en 1960, 1961 et 1965 affirmant ces droits à l'égard du peuple tibétain.

- Honorables sénateurs, je demande la permission du Sénat pour modifier cette motion en lui ajoutant un paragraphe.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée d'ajouter à la motion?

Des voix: D'accord.

Motion d'amendement

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je propose donc:

Que, par ailleurs, le gouvernement du Canada engage le gouvernement de la Chine à rencontrer Sa Sainteté le dalaï-lama sans conditions préalables et sous les auspices des Nations Unies en vue d'essayer de régler le problème tibétain.

- Honorables sénateurs, le mercredi 10 mars 1999 a marqué l'anniversaire du soulèvement national des Tibétains en 1959. Ce jour-là, à des milliers de milles d'ici, Sa Sainteté le dalaï-lama s'est adressé à la foule dans la ville de Dharmsala, dans le nord de l'Inde, où il vit en exil depuis 40 ans. Il a parlé du patrimoine religieux et culturel unique du Tibet et des grandes différences entre le Tibet et la Chine en matière d'histoire, de langue et de style de vie.

En outre, il a fait allusion aux abus auxquels se livrent toujours les autorités chinoises au Tibet, comme la discrimination culturelle et raciale ainsi que de graves violations des droits humains à grande échelle. Il a dit qu'au moindre signe de dissidence, les autorités chinoises réagissent par la force et la répression. Cette répression vise à empêcher les Tibétains d'affirmer collectivement leur identité, leur culture et leur détermination à les préserver.

L'ampleur de la répression exercée par les autorités chinoises est bien documentée. Elle s'appuie sur des informations recueillies par diverses organisations, dont la Commission internationale des juristes, Amnistie Internationale, Asia Watch, Human Rights Watch et le Tibetan Centre for Human Rights and Democracy. Selon ces sources, l'an dernier seulement, des centaines de moines ont été arrêtés au Tibet et des milliers d'autres ont été expulsés de certaines institutions religieuses, dans le cadre de ce que l'on appelle une «campagne de rééducation patriotique». Dans la population, 56 personnes ont été arrêtées pour avoir écrit des poèmes, scandé des slogans et collé des affiches. D'autres ont été stérilisées de force, ont subi des procès politiques, ont été torturées et ont été éduquées par le biais du travail forcé, cette vieille méthode chère aux communistes chinois.

Pour renforcer sa mainmise sur le Tibet, la Chine a posté plus de 200 000 soldats un peu partout dans ce pays profondément pacifiste. Elle a aussi établi une infrastructure militaire de plus en plus importante, y compris des postes de radar, des aérogares militaires et des bases de missiles. Le Tibet, cet État-tampon pacifiste, a été transformé en camp armé.

Même si les Tibétains sont censés être libres depuis près de 50 ans, leur esprit et leur volonté d'être libres dans leur propre pays demeurent inaltérés. Le dalaï-lama le sait, tout comme les autorités chinoises, j'imagine. Cependant, le cercle vicieux de la répression par les autorités chinoises et de la résistance des Tibétains continue.

Dans un effort pour dénouer l'impasse, le dalaï-lama a renoncé à l'idée d'une indépendance complète. Il a plutôt invité les autorités chinoises à laisser le Tibet devenir une région entièrement autonome au sein de la République populaire de Chine. La Chine a refusé cette proposition de paix. Elle a durci sa position, accusant quotidiennement le dalaï-lama d'être un séparatiste et un instrument loyal des forces antichinoises.

Honorables sénateurs, la solution à la tragédie du Tibet ne réside pas dans des slogans ni de la propagande doctrinaire. Comme le souligne à juste titre Sa Sainteté le dalaï-lama, la solution réside dans le dialogue. Les déclarations officielles, les beaux discours ou les réponses favorites des autorités canadiennes qui disent avoir abordé la question en privé ne nous mènent nulle part. Il doit y avoir de véritables discussions et négociations directes. Il faut cependant que tout le monde y mette du sien, ce qui m'amène à parler du premier ministre actuel.

M. Chrétien a dit qu'il était un bon ami du président Jiang, de la Chine. Ne peut-il pas se servir de son amitié pour promouvoir le dialogue que demande le dalaï-lama? Peut-être le premier ministre pourrait-il écrire au président Jiang et le prier de rencontrer le dalaï-lama, ou peut-être même offrir de servir de médiateur lors d'une rencontre entre les deux hommes? En même temps, ne pourrait-il pas exhorter le président Jiang à respecter les droits de la personne au Tibet, à mettre fin au génocide culturel et à empêcher la dégradation environnementale qui se produit là-bas? Enfin, peut-être pourrait-il faire cela publiquement, afin que le reste de Canada et le monde entier puissent voir eux-mêmes ce que M. Chrétien a à dire et à qui il le dit?

En écrivant au président Jiang, le premier ministre du Canada ne dirait pas à la Chine quoi faire. Il ne dirait pas aux Chinois comment diriger leur pays et comment gérer leurs affaires internes. Il leur rappellerait simplement que, en tant que pays, la Chine a certaines obligations envers ses habitants, dont le respect de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des résolutions adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1960, 1961 et 1965 affirmant ces droits pour les habitants du Tibet.

Au cours de la semaine passée, honorables sénateurs, le premier ministre de la Chine, M. Zhu, est venu au Canada. Partout où il s'est rendu, il a été accueilli par des protestataires qui exigeaient une amélioration des droits de la personne en Chine et la liberté du peuple tibétain. Notre premier ministre a-t-il saisi cette excellente occasion pour soulever ces questions auprès du premier ministre chinois? Il dit avoir parlé ouvertement de tout avec M. Zhu. Ont-ils parlé du Tibet? Qui peut le dire? Il est dans les habitudes de notre premier ministre de parler beaucoup, mais de dire peu.

J'ai été totalement abasourdi d'entendre le premier ministre offrir une porte de sortie au premier ministre chinois en disant que le Tibet ne pouvait pas être comparé au Kosovo. M. Chrétien a-t-il oublié que plus d'un million de personnes ont été tuées au Tibet depuis l'invasion chinoise, en 1959? A-t-il oublié la persécution, les viols, la stérilisation forcée, le génocide culturel et je ne sais quelles autres horreurs qui ont eu lieu et qui ont lieu en ce moment même au Tibet?

Le premier ministre chinois affirme que le Tibet jouit d'une liberté religieuse. Je dois dire que sa définition de la «liberté» doit être très différente de la mienne et de celle de la plupart des gens que je connais. Je suis sûr, par exemple, que les centaines de millions de catholiques que compte le monde seraient pour le moins furieux s'ils apprenaient que le pape allait dorénavant être choisi par l'État. Or, c'est exactement le cas au Tibet.

Honorables sénateurs, nous savons tous que le Canada est l'un des rares pays occidentaux à n'avoir pas publiquement prôné la négociation comme moyen de mettre fin au conflit au Tibet. Malheureusement, cela s'explique par le fait que nous ne voulons pas contrarier les Chinois. Nous avons peur de les froisser parce que cela pourrait nous faire perdre des possibilités de commerce.

Toutefois, comme le premier ministre le sait, les affaires étrangères englobent plus que le commerce et l'argent. Elles incluent aussi les valeurs. Elles incluent la protection et la défense des idées et des idéaux qui, selon une nation, devraient être respectés par tous.

Honorables sénateurs, il y a près d'un demi-siècle que la Chine occupe le Tibet. La durée de cette occupation ne la rend pas pour autant légitime. En fait, c'est plutôt le contraire qui est vrai. La présence des Chinois au Tibet est tout aussi inappropriée et immorale qu'elle l'était au début, soit peu de temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il va de soi que le Canada ne peut à lui seul contraindre les Chinois à quitter le Tibet, mais il peut faire sa part.

Honorables sénateurs, l'objet de cette motion est d'inviter chacun d'entre vous à se joindre à moi pour demander à M. Chrétien et à son gouvernement de faire leur part et d'aider à trouver une solution au tragique problème du Tibet.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question à l'honorable sénateur.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la motion de l'honorable sénateur Di Nino, dans laquelle il mentionne la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que les résolutions adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies. Il nous demande de respecter les résolutions adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies ou par le Conseil de sécurité de l'ONU.

L'honorable sénateur est-il d'avis que toutes les résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies ou du Conseil de sécurité devraient être traitées de la même façon, c'est-à-dire être respectées et mises en oeuvre?

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, je réponds «oui» sans aucune hésitation.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 21 avril 1999, à 13 h 30.)


Haut de page